jeudi, juillet 14, 2011

Le Nu Militaire

Ces photos peu connues n'ont pas à ma connaissance fait l'objet de publications, ou fort rares; ce n'est pourtant pas le matériel qui manque. Gageons que la collection existante n'a pas été perdue pour tout le monde. Je cite ci-dessous l'article d'origine:


LE NU MILITAIRE    (Yves AUBRY)


          Dans les dernières années du XIXème siècle, l'armée française, voulant étudier la morphologie des hommes qu'elle entrainait au combat, ouvrit un "laboratoire" où l'on utilisa, notamment, la photographie, pour tenter de dégager des types et des enseignements. Il n'est pas certain que la méthode aboutit à des résultats probants. Il n'en reste pas moins que de nombreuses photographies furent ainsi réalisées. Oubliées dans les années de guerre, puis écartées par les changements de méthodes, elles ont été récemment redécouvertes grâce à J.P. Bourgeron .

         Il faut reconnaître que leur rareté est liée à la rareté des nus masculins en photographie. Autant l'histoire du nu (confondue la plupart du temps avec celle du nu féminin) abonde en femmes aux poses plus ou moins lascives, ou académiques, à la maniera des Salons chantés par Armand Sylvestre, autant le nu masculin n'existe pour ainsi dire pas. L'Histoire du nu en photographie de Peter Lacey (Bantam - 1964) n'en publie aucun, et Le Nu 1900 (Ed. Barret) puise son seul exemple aux mêmes sources que nous.

         Non qu'il n'existe pas de photographies d'hommes nus, mais elles participent presque toutes de deux genres : le nu pornographique et le nu scientifique.

Tantôt l'homme nu est l'acteur d'une photographie plus ou moins osée le montrant dans l'exercice de sa virilité.

         Il n'est pas objet sexuel, mais acteur, puisque la plupart de ces photographies sont conçues par rapport à une lecture mâle hétérosexuelle. Et l'instantané, déjà, arrange bien des choses... Tantôt, l'homme nu devient une sorte de cobaye, parmi d'autres, pour des photographies dans la lignée expérimentale des chronophotographes. Muybridge, Marey ou Eakins ont ainsi multiplié les images d'hommes nus se livrant à des activités de caractère sportif : marche, lancer, course, saut, équitation, cyclisme, etc... L'image n'est pas alors d'une très grande qualité, mais c'est le mouvement dans l’effort qui est visé. Des repères spatiaux temporels rappellent, à chaque image que l’on est en présence d’une photographie expérimentale.



         On peut pourtant remarquer que les activités masculines y sont aussi stéréotypées que celles des femmes. Chez Muybridge, par exemple, la femme étend du linge, porte un panier sur sa tête, etc. tandis que l'homme s'adonne à des exercices de force, souvent para-militaires, voire militaires (exercices de port d'arme).

         Pour les nus que nous publions le choix des activités est clair : le nu est ici l'éventuel combattant. La sélection accentue le côté " bel homme" des modèles. L'accent est mis sur le muscle? la puissance physique. Ce qui ne va pas sans quelque ridicule. La pose est souvent figée, le maintien "athlétique" (bombez le torse !) prête à sourire, l'attitude martiale apparaît dérisoire, le dos du cavalier (sur un cheval de bois !) est élégamment parsemé de traces de ventouses. Mais le plus étonnant, c'est encore le nu harnaché portant fusil. L'absence du vêtement (d'uniforme) accentue l'aspect bête de somme du fantassin et souligne la symbolique de l'homme armé.

         Ces images dépassent ainsi l'objet qui leur avait été assigné. Elles sont d'ailleurs souvent de grande qualité technique.

         Les prises de vues ont été réalisées sur plaques l8 x 24 et 13 x 18, en studio, et bon nombre de tirages anciens sont des tirages au charbon. A l'origine, des textes les accompagnaient. Rédigés dans un style médico-militaire, ils commentaient l'aspect morphologique du sujet, celui du cavalier vu de dos.

         Une telle "littératures" ne parvient pourtant pas à enfermer ces images dans l'utilitarisme qu'on leur assignait.

         Après tant d'années, alors que, précisément, la morphologie du nu masculin type a considérablement évolué elles constituent non seulement des documents   exceptionnels, mais une approche alors novatrice de la photographie.
















2 commentaires:

desalpages a dit…

Photos d'Etienne Jules Marey, le livre a été édité dans les années 90.

Fred. A a dit…

j'aimerais beaucoup avoir accès au livre si vous avez des informations complémentaires.
Merci pour le commentaire en tout cas