Léon Belly Autoportrait
Léon Adolphe Auguste Belly (1827-1877) fils d'un capitaine d'artillerie se destine tôt à la peinture. Il étudie avec Constant Troyon et Théodore Rousseau (et dans un premier temps subit l'influence de l'école de Barbizon).
Au passage, même les paysagistes les plus connus eurent une éducation académique comme en témoignent ces essais de Camille Corot
A partir de 1850, Belly voyage en Egypte, et comme son ami Eugène Fromentin, devient un peintre orientaliste.
Fromentin Au pays de la soif
Belly rencontre le succès (et un peu de scandale pour son œcuménisme et les animaux démesurés de sa caravane) et au Salon de 1861 avec ses Pèlerins en route vers la Mecque
Six ans plus tard, il opère un virage radical qui surprend les critiques en tournant à l'académisme le plus figé avec un tableau que la brochure désigne uniquement comme les Sirènes, et qui est acheté par La Maison Impériale, Napoléon III l'offrant à la ville natale du peintre Saint-Omer:
" J'ai rouvert et consulté trois fois le livret avant d'être convaincu que c'était bien M. Belly qui avait fait les Sirènes ..." Maxime du Camp, Les Beaux-Arts à l'exposition universelle et aux salons, Paris 1867, p 268
"Il aborde le grand art, la figure de dimension naturelle, la nudité héroïque, et il demande son sujet à Homère . Ces tenatives, fussent-elles imprudentes, ne nous déplaisent pas; mais ici les indications du catalogue nous sont fort utiles car nous aurions eu quelques peine à reconnaître dans les Sirènes la main de M. Belly..." Paul Mantz, salon de 1867, Gazette des Beaux- Arts, 1867, p. 518
Il se pourrait que le tableau ait été inspiré de celui de Victor Louis Mottez apparu au salon de 1848
ou du chef d'oeuvre de William Etty, peint dès 1837
Tout le monde reconnaît dans ces sirènes -qui sont d'ailleurs plutôt des naïades, car elle n'ont ni la queue de poisson du 19è siècle, ni les ailes des oiseaux antiques- l'hommage à Rubens, à ,travers les figures féminines fortement influencées par la partie inférieure du Débarquement de Marie de Médicis à Marseille (détail) revue et corrigée à la façon michelangelesque de la Barque de Dante de Delacroix
ou encore du tableau dit du Gouvernement de la Reine (Rubens toujours) auquel on prêtait déjà des liens possibles avec le grand tableau de Thomas Couture, Les romains de la Décadence, cette fois-ci plus la partie droite, qui aurait suggérer à Belly le haut de son tableau:
Le tableau, depuis plus justement rebaptisé Ulysse et les Sirènes présente sous ses dehors lisses de nus nautiques second empire une histoire énigmatique en raison des nombreuses études que Belly consacra aux figures masculines de son tableau:
Si les figures féminines occasionnèrent peu de dessins de détail
et ne semblent guère avoir bougé depuis la première idée du tableau (sinon que la deuxième naïade est finalement présentée de dos, conduisant vers Ulysse alors qu'elle monopolisait l'attention dans la première version) il n'en va pas de même de tout le reste:
entre l'étude et le dessin reporté au carreau, d'autres élément ont changé (dispartition du personnage à l'extrême-gauche, apparition du marin qui attache Ulysse tandis que le marin à gauche disparaîtra complètement de la version finale, comme la tête de sanglier en figure de proue, apparition des rameurs plus détaillés et changement de la pose du personnage principale, finalement plus figé, de plus en plus vêtu et coiffé, dans un calme académique qui insiste sur le mât structurant l'image)
Il est fascinant de voir comment Belly fit poser par différents modèles des personnages qui n'ont plus qu'un rôle secondaire, celui qui tient le gouvernail par exemple:
Le marin de gauche (d'abord envisagé à droite)
Le personnage un genou en terre qui régresse peu à peu vers le fond du tableau
Les rameurs qui paraissent devenir les personnages les plus importants de la composition
Enfin les variations du personnage principal
bras liés dans le dos, version renaissance
coiffé d'une peau de lion qui laisse supposer que plutôt qu'un Ulysse, il aurait pu s'agir d'un Hercule
Ulysse fuyant vers l'avant
pose définitive, au couvre-chef indien
en Hercule
en Caton
études de tête, version Hercule ou Moïse
au bonnet phrygien
En 1877, année de sa disparition, Léon Belly, retournant dans son Egypte imaginaire peint un dernier chef d'oeuvre, La Dahabieh
Il avait longtemps travaillé sur ce thème, laissant plusieurs études de hâleurs
Ce tableau ne paraît pas avoir vu le jour. Il évoque néanmoins une autre toile, présentée curieusement la même année 1877, mais par Louis Mouchot
dont les études rappellent à s'y méprendre le style de Belly
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