samedi, juillet 21, 2012

Gleyre et les néogrecs

Pour d'autres, l'aventure des Pompiers commence au salon de 1847, avec le succès de la toile de Jean-Léon Gérôme, Le combat de coqs, vantée par Théophile Gauthier.


Contrairement à Gauthier, Baudelaire voit immédiatement l'écueil de cette école:
L’esprit français épigrammatique, combiné avec un élément de pédanterie, destiné à relever d’un peu de sérieux sa légèreté naturelle, devait engendrer une école que Théophile Gautier, dans sa bénignité, appelle poliment l’école néo-grecque, et que je nommerai, si vous le voulez bien, l’école des pointus. Ici l’érudition a pour but de déguiser l’absence d’imagination. La plupart du temps, il ne s’agit dès lors que de transporter la vie commune et vulgaire dans un cadre grec ou romain... Ainsi d’un côté le bric-à-brac (élément sérieux), de l’autre la transposition des vulgarités de la vie dans le régime antique (élément de surprise et de succès), suppléeront désormais à toutes les conditions requises pour la bonne peinture... La facture de M. Gérome, il faut bien le dire, n’a jamais été forte ni originale. Indécise, au contraire, et faiblement caractérisée, elle a toujours oscillé entre Ingres et Delaroche. (Salon de 1859)
C'est Delaroche effectivement, dont il était devenu l'assistant après un passage dans l'atelier de Gleyre, qui avait poussé Gérôme, après son échec au prix de Rome, à exposer cette toile. L'expression "néo-grec", bientôt rejointe par le qualificatif pompéiens (et voici l'autre étymologie supposée de "pompiers" sert à désigner un groupe de jeunes peintres de jeunes peintres formés vers 1848 dans l'atelier de Charles Gleyre, peintre suisse, qui préféra l'Egypte à l'Italie (mais ses tableaux orientalistes furent détruits dans l'incendie du Caire en 1837, comme ses ébauches de fresques pour l'escalier du château de Dampierre furent effacées sur l'ordre d'Ingres) et forma à la fois les néo-grecs et les premiers impressionnistes, dont Monet, Bazille, Whistler, Renoir et Sisley.

On voit au Petit-Palais, la toile des 47 portraits de l'Atelier de Gleyre, où les peintres des années 1860-68 se représentèrent les uns les autres:


Mais Marc-Gabriel Charles Gleyre lui-même, académiste indépendant, pourrait bien être considéré comme le premier "pompier", particulièrement à travers son plus fameux tableau Les Romains passant sous le joug (1858) qui célèbre la victoire des Helvètes de Divico sur les armées romaines en 107 avant JC



Etudes de prisonniers romains




Gleyre avait le sens du péplum comme le montre ce détail de l'Entrée de la Reine de Saba à Jérusalem

Bien qu'il se soit d'abord illustré dans le tableau de genre (à connotations érotiques), comme Les Brigands romains (1831)
Fellahs (1835)

puis dans un style allégorique qui devait inspirer ses élèves, Le Soir ou les illusions perdues (1843)
 Le matin ou le Paradis terrestre


et qu'il ait passé ses dernière années à peindre des nus féminins, Gleyre dominait le nu académique

Penthée (détail)
 Daphnis et Chloé
Etude pour le fils prodigue


 etude pour Hercule
 Hercule aux pieds d'omphale (1861)
 étude de tête pour Hercule
 


Parmi les néo-grecs ou Pompéistes (comme le dit Maxime Du Camp)
Des peintres, qu'on appela les Pompéistes, consacrèrent leur talent, généralement froid, mais souvent gracieux, à l'exaltation d'un petit Olympe couvert de petites déesses, de petits dieux et de petits amours ; tout cela fut joli, joli, joli, mais mièvre et insignifiant...

on compte, élèves de Gleyre,  Henri-Leopold Picou, dont on trouve peu de choses à montrer:
détail de La naissance de Pindare

 la Pêche miraculeuse
 lithographie d'après Antoine et Cléopâtre sur le Cydne
et surtout le mystérieux Jeu d'échec indien qui montre un goût du décorum, pas des plus grecs, mais spectaculaire.

Jean-Louis Hamon, natif de Plouha, donna également dans le goût de la bizarrerie et même de la devinette quand il abandonnait les petits amours
Hamon, l'Amour aux bains de mer
1852 La comédie humaine
détail


L'escamoteur, le quart d'heure de Rabelais, où Hamon se représente lui-même de dos regardant dans une lunette astronomique


ce qui suscita cette réaction du critique Adolphe About:

Si vous faîtes un pas de plus, l'an prochain vous nous peindrez sur un fond d'assiette une jeune fille qui fait frire des roses. Dans deux ans, une rose qui fait frire des jeunes filles. Dans trois ans n'importe quoi : cette aberration du cerveau ingénieux ne s'arrêtera qu'à la folie. Revenez donc résolument en arrière. Laissez les malices fades à MM. Isambert, Glaize et Picou.

Isambert, esquisse pour le départ d'Ulysse

De quel Glaize parlait le critique?
Auguste-Barthélémy qui décora la Mairie du 20ème arrondissement de Paris?
Les femmes gauloises
 Les écueils de la vie
ou de son fils Léon
 détail de l'Egide
 

Une conjuration aux premiers temps de Rome (photographie d'époque salon de 1875)


Au sein de son atelier parisien, Gleyre accueillera de nombreux artistes étrangers, dont son compatriote Albert Samuel Anker, qui deviendra le peintre national suisse. Avant de se faire une spécialité des tableaux villageois d'enfants et de vieillards, il semble que les début d'Anker aient été marqués par les théories des néo-grecs
 Les joueurs d'osselet (1864)
 pour verser occasionnellement dans la renaissance gauloise ou médiévale
La soupe de lait (1869)







Aucun commentaire: