Les Pompiers français et la figure masculine
Paul Buffet, Le défilé de la hâche (épisode de Salambô) détail, 1894
Un atelier de peinture aux Beaux-Arts, probablement celui de Jean-Léon Gérôme
Personne n'est d'accord sur l'origine du terme pompier, ni sur son apparition historique que la littérature critique n'atteste qu'après les années 1880 dans des écrits polémiques de Degas et Gérôme. On a proposé comme il est vraisemblable que dans l'argot des ateliers, le pompier serait le guerrier grec casqué, voire le pompier de service ou le garde royal présent à l'ouverture ou à la garde des salons:
Casque de pompier modèle 1820
Casque d'officier de la garde royale 1852, avec sa chenille
La chose n'aurait donc rien de très nouveau puisque le 17è et le 18è siècle ont été prodigues en hommes casqués, quand bien même le casque n'est qu'un bonnet phrygien doré
anonyme Musée Max Claudet Salins-les-bains, vers 1800
anonyme musée de Besançon, vers 1750
Ci-dessous un tableau emblématique de l'académisme 18è, le Mucius Saevola de Jacques Dumont, dit le Romain
tradition que poursuit un moment Guillaume Bodinier (1795-1872), spécialisé plus tard dans les scènes de genre romantiques italiennes;
Scènes d'histoire gréco-romaines aux sujet non identifiées (Thermopyles?)
Vestales assassinées par (au moins) un homme nu casqué
Guillaume Bodinier Mort de Tullius roi d'Albe (esquisse)
Ary Scheffer Serment des sept contre Thèbes (esquisse 1817)
et revoici je jeune Pierre-Narcisse Guérin
Ingres
et l'allégorie de la Guerre de Blondel
Toutes ces représentations ne sont pas l’œuvre de peintre pompiers : elles représentent la ligne plus officielle de l'académisme, car le peintre pompier n'est pas un facteur d'homme nus casqués, et s'il peint des détails de cuivres et d'objets typiques, ses sujets sont souvent moins héroïques que ceux des peintres académique et ses motifs historiques ou mythologiques, moins habités par les figures masculines. La confusion entre style pompier et style académique vient peut-être de cet Hymne des Catzarts, lui aussi apparu dans les années 1880:
La chanson Les pompiers, qui est toujours l'hymne des étudiants des Beaux Arts aurait été improvisée par Defays dans un atelier d'architecture en 1885 sur un air angevin.
On dit quelquefois au village
Qu’un casque ça sert à rien du tout,
Ca sert à donner du courage
A ceux qui n’en ont pas du tout,
De loin, ça prend des airs fantasques
Et chacun dit en les voyant :
Qu’ils sont donc beaux avec leurs casques,
Ca leur donne un p’tit air épatant,
Qu’un casque ça sert à rien du tout,
Ca sert à donner du courage
A ceux qui n’en ont pas du tout,
De loin, ça prend des airs fantasques
Et chacun dit en les voyant :
Qu’ils sont donc beaux avec leurs casques,
Ca leur donne un p’tit air épatant,
Refrain : Le casque est une coiffure
Qui sied à leur figure
Un casque de pompier
Ca fait presque guerrier
Ca lui donne un p’tit air vainqueur
Qui sied pas mal à sa valeur
Sous son casque luisant, il a l’air épatant (vraiment)
Zim la boum la zim la y la
On peut l’blaguer tant qu’on voudra
Zim la boum la zim la y la
Le pompier est bien au dessus de ça.
Qui sied à leur figure
Un casque de pompier
Ca fait presque guerrier
Ca lui donne un p’tit air vainqueur
Qui sied pas mal à sa valeur
Sous son casque luisant, il a l’air épatant (vraiment)
Zim la boum la zim la y la
On peut l’blaguer tant qu’on voudra
Zim la boum la zim la y la
Le pompier est bien au dessus de ça.
On nous raconte dans l’histoire
Que les Romains et les Gaulois
Ces fils chéris de la victoire
Portaient des casques autrefois
Le casque c’est donc l’héritage
De tous ces guerriers valeureux
Et si nous l’avons en partage
C’est qu’nous sommes pompiers comme eux.
Que les Romains et les Gaulois
Ces fils chéris de la victoire
Portaient des casques autrefois
Le casque c’est donc l’héritage
De tous ces guerriers valeureux
Et si nous l’avons en partage
C’est qu’nous sommes pompiers comme eux.
On sait que chacun sur la terre
A son faible ou sa passion.
Le pompier qu’est un militaire
Est fier de sa position ;
Le sapeur et sa barbe noire
est orgueilleux de son bonnet
Le pompier met toute sa gloire
Dans son casque et dans son plumet.
A son faible ou sa passion.
Le pompier qu’est un militaire
Est fier de sa position ;
Le sapeur et sa barbe noire
est orgueilleux de son bonnet
Le pompier met toute sa gloire
Dans son casque et dans son plumet.
Les jours ousqu’il y a la fête,
Il endosse ses plus beaux habits
Il met son casque sur sa tête
Pour aller flâner dans l’pays.
Puis, à l’ombre de sa visière,
Quand il rencontre un jeune tendron.
Il lance une œillade incendiaire,
Le pompier est tell’ment polisson.
Il endosse ses plus beaux habits
Il met son casque sur sa tête
Pour aller flâner dans l’pays.
Puis, à l’ombre de sa visière,
Quand il rencontre un jeune tendron.
Il lance une œillade incendiaire,
Le pompier est tell’ment polisson.
Les jours ousqu’on est de la r’vue,
Derrière le champs à Jean Maclou
Le pompier s’met en grand’ tenue.
Nous sommes bien une quinzaine en tout.
Derrière le champs à Jean Maclou
Le pompier s’met en grand’ tenue.
Nous sommes bien une quinzaine en tout.
Il met son casque sur sa nuque,
C’est pas pour faire ses embarras
Mais pour garantir sa perruque,
Quand bien même il n’en aurait pas.
C’est pas pour faire ses embarras
Mais pour garantir sa perruque,
Quand bien même il n’en aurait pas.
On dit qu'à la provinciale
Les vieux reviennent volontiers,
Ils retrouvent à la générale
Toute l'ardeur de leurs cadets,
Laissant au vestiaire leurs casques
Qui par moments seraient gênant,
De l'École ils refont les frasques
Car enfin ce n'est qu'une fois l'an,
Ah, ah, ah, ah.
Les vieux reviennent volontiers,
Ils retrouvent à la générale
Toute l'ardeur de leurs cadets,
Laissant au vestiaire leurs casques
Qui par moments seraient gênant,
De l'École ils refont les frasques
Car enfin ce n'est qu'une fois l'an,
Ah, ah, ah, ah.
Le terme de "pompier" s'est peut-être renforcé par la découverte à la mort de Gustave Courbet,par sa soeur, de la toile monumentale, inachevée et roulée dans un coin d'atelier des Pompiers courant à un incendie, peinte en 1851 (et abandonnée par suite du coup d'état et de la déportation en Algérie du sous-lieutenant Jean-Victor Frond représenté dans la toile), offerte à la ville de Paris, et donc révélée au public en 1881:
Dans une tentative pour définir l'Art Pompier en opposition aux expériences des "modernes" impressionnistes (sans se préoccuper du statut des symbolistes qui font la transition) -dont la touche prise sur le vif concerne plutôt le paysage que la figure et dépend de la possibilité de peindre à l’extérieur- on a voulu suggérer que les peintre pompiers incarnaient plutôt la droite royaliste et bonapartiste, et les autres un socialisme inspiré des romantiques libéraux. En effet, Gérôme obtint très tôt la légion d'honneur sous le second empire et siègea 17 fois aux jurys des salons, refusant à deux reprises les envois de Manet, mais la plupart de ceux qu'on compte au nombre des pompiers n'obtinrent jamais de récompenses aux concours académiques et leurs chefs de file tel Delaroche furent finalement sollicités tardivement pour diriger des ateliers aux Beaux-Arts, élus par des cercles qui avaient plutôt tendance à considérer l'accomplissement personnel que la naissance.
Paul Delaroche, partie centrale de l'Hémicycle des beaux arts (1868-1841) représentant Iktinos, Apelle et Phidias:
Paul Delaroche Saint Sébastien
Cette distinction n'est pas opérante si l'on considère que Jean-Louis-Ernest Meissonier, le plus honni par la postérité parmi les pompiers, célèbre pour ses batailles napoléonniennes (premier empire) a produit des tableaux aussi revendicatifs que La Barricade de 1848
détail de La Barricade
étude pour le même tableau
les Ruines des Tuileries
ou le Siège de Paris
L'inachèvement et une touche pré-impressionniste le rapprocherait dans ses rares scènes mythologiques des tableaux "pré-historisque" de Cormon, comme on le voit dans ce Samson contre les Philistins
Ernest Meissonier Les Prisonniers
Mais les critiques ne s'accordent pas plus sur les critères de style que sur les dates. Pour beaucoup, le style pompier nait en 1863 avec l'achat par Napoléon III de La Naissance de Vénus de Cabanel, tableau assez mièvre avec sa guirlande d'anges, dont Zola dira
« La déesse noyée dans un fleuve de lait, a l'air d'une délicieuse lorette, non pas en chair et en os - ce serait indécent - mais en une sorte de pâte d'amande blanche et rose... Prenez une Vénus antique, un corps de femme quelconque dessiné d'après les règles sacrées, et, légèrement, avec une houppe, maquillez ce corps de fard et de poudre de riz ; vous aurez l'idéal de monsieur Cabanel .» (Nos peintres au Champ-de-Mars - 1867)
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