Géricault est le plus grand peintre français. Il n'a vécu que 33 ans, et la postérité ne retient de lui qu'une seule œuvre majeure dont la dimension fait qu'elle n'est plus déplaçable et les huiles, pigments et bitumes utilisés pour sa réalisation, qu'elle s'assombrit et se détruit d'elle-même. Il n'est même plus question d'envisager une étude de la version finale de la Scène de Naufrage tant le tableau fit couler d'encre.
Parmi les quatre ou cinq toiles monumentales qu'envisagea de produire Géricault, c'est le seul exemple achevé et l'aboutissement d'un processus créatif aux ramifications multiples qui concentre tous les mystères et pour ainsi dire les mythes liés au personnage du créateur. Si Géricault est le plus grand peintre français comme on le prétend ici, c'est que sa démarche -inconsciente, le créateur ne sait pas ce qu'il fait, et une fois qu'il l'a fait, se débarrasse du problème en jugeant que "ça ne vaut pas le coup d'être vu"- dépasse le problème de la peinture et de l'art.
On trouvera ici l’essentiel de la production de Géricault, à l’exception des tableaux les plus connus, qu’on se procurera facilement ailleurs. Parmi les œuvres présentées, on conçoit que certaines puissent passer pour des gribouillis maladroits, -mais il y a parfois autant à retirer d’un improbable croquis de jeunesse que d’un tableau achevé-, que d’autres ne soient que des attributions improbables, mais qui témoignent alors de la résonance incroyable que le personnage lui-même a pu produire chez ses contemporains, et parfois bien au-delà.
On attribue à Géricault un très grand nombre d'académies masculines (forcément puisqu'il n'était pas question de faire poser des modèles féminins dans les ateliers vers 1810) dont certaines ne sont sans doute pas de lui -mais on ne prête qu'aux riches, et beaucoup en tant qu'études scolaires, inachevées, sans les fonds, ce qui pose Géricault comme un peintre moderne par le seul fait qu'il se contenta d'esquisser le motif avant de se désintéresser de l'objet représenté comme des formes de sa représentation, alors que pousser un peu plus loin aurait obligé le peintre à recommencer le motif puisque tout changement dans son environnement change le sujet, la densité de la couche picturale, le trait improvisé. On dit que dans ses études tardives, Géricault évitait de finir, afin de ne pas tarir l'envie ni la spontanéité de l'improvisation.
ci-dessous autrefois attribué à Géricault, l'étude, plus achevée (musée de Washington) est créditée à un autre élève, sans qu'un nom soit proposé
comme ce troisième tableau du même modèle
Dans l'atelier de Guérin (concurrent de celui de David) la réputation de Géricault grandissait auprès de ses condisciples à mesure que l'opinion du Maître diminuait, diverses anecdotes rapportant les farces et les frasques d'un élève turbulent qui n'hésitait pas à gâcher son travail et celui de ses camarades, comme celui de la copie du tableau de Guérin L'offrande à Esculape qui écopa du jet d'un seau d'eau:
A regarder les œuvres de Guérin, on comprend mieux l'incompatibilité des visions du professeur et de l'élève, le premier concevant des corps ronds et mous d'adolescents féminisés
Le modèle de ce tableau (qui correspond moins au style de Géricault, mais c'est certain pour le suivant) a été identifié comme Cadamour, dont Emile Gigault de la Bédollière dit encore en 1840 (dans Le Modèle)
Certains tableaux achevés et parfois appartenant à une période postérieure à la sortie de Géricault de l'atelier de Guérin relativisent toutefois cette explosion de muscles:
On lui préfèrerait ces dessins à la paternité certaine (d'après l'antique peut-être) et à la destination inconnue:
Géricault peut-être
Parmi les quatre ou cinq toiles monumentales qu'envisagea de produire Géricault, c'est le seul exemple achevé et l'aboutissement d'un processus créatif aux ramifications multiples qui concentre tous les mystères et pour ainsi dire les mythes liés au personnage du créateur. Si Géricault est le plus grand peintre français comme on le prétend ici, c'est que sa démarche -inconsciente, le créateur ne sait pas ce qu'il fait, et une fois qu'il l'a fait, se débarrasse du problème en jugeant que "ça ne vaut pas le coup d'être vu"- dépasse le problème de la peinture et de l'art.
On trouvera ici l’essentiel de la production de Géricault, à l’exception des tableaux les plus connus, qu’on se procurera facilement ailleurs. Parmi les œuvres présentées, on conçoit que certaines puissent passer pour des gribouillis maladroits, -mais il y a parfois autant à retirer d’un improbable croquis de jeunesse que d’un tableau achevé-, que d’autres ne soient que des attributions improbables, mais qui témoignent alors de la résonance incroyable que le personnage lui-même a pu produire chez ses contemporains, et parfois bien au-delà.
Guérin Académie
On attribue à Géricault un très grand nombre d'académies masculines (forcément puisqu'il n'était pas question de faire poser des modèles féminins dans les ateliers vers 1810) dont certaines ne sont sans doute pas de lui -mais on ne prête qu'aux riches, et beaucoup en tant qu'études scolaires, inachevées, sans les fonds, ce qui pose Géricault comme un peintre moderne par le seul fait qu'il se contenta d'esquisser le motif avant de se désintéresser de l'objet représenté comme des formes de sa représentation, alors que pousser un peu plus loin aurait obligé le peintre à recommencer le motif puisque tout changement dans son environnement change le sujet, la densité de la couche picturale, le trait improvisé. On dit que dans ses études tardives, Géricault évitait de finir, afin de ne pas tarir l'envie ni la spontanéité de l'improvisation.
ci-dessous autrefois attribué à Géricault, l'étude, plus achevée (musée de Washington) est créditée à un autre élève, sans qu'un nom soit proposé
comme ce troisième tableau du même modèle
Dans l'atelier de Guérin (concurrent de celui de David) la réputation de Géricault grandissait auprès de ses condisciples à mesure que l'opinion du Maître diminuait, diverses anecdotes rapportant les farces et les frasques d'un élève turbulent qui n'hésitait pas à gâcher son travail et celui de ses camarades, comme celui de la copie du tableau de Guérin L'offrande à Esculape qui écopa du jet d'un seau d'eau:
A regarder les œuvres de Guérin, on comprend mieux l'incompatibilité des visions du professeur et de l'élève, le premier concevant des corps ronds et mous d'adolescents féminisés
le second des corps presque toujours en tension (voire en torsion) aux muscles saillants, sans doute virilisés par rapport au modèle vivant
Selon toutes probabilités ce tableau est celui du deuxième
tour du Prix de Rome 1816, demi-nu en torse, couverture rouge et boîtes sont
les éléments typiques de ce genre d’exercice. L’élimination de Géricault serait
donc due à la trivialité du rendu, visage rouge, tons bleu-vert des ombres…
Le modèle de ce tableau (qui correspond moins au style de Géricault, mais c'est certain pour le suivant) a été identifié comme Cadamour, dont Emile Gigault de la Bédollière dit encore en 1840 (dans Le Modèle)
C’est dans les académies qu’on peut passer en revue les modèles qui, s’élevant au-dessus de la foule de leurs collègues, se sont acquis une réputation fructueuse : célébrités que personne ne connaît, illustrations qui naissent et meurent dans l’obscurité, dont les noms, fameux dans les ateliers, sont complétement ignorés du public. Là, vous voyez en première ligne l’Italien Cadamuro, dont la carte de visite porte :
CADAMOUR, roi des modèles.
et auquel personne ne dispute cette honorable souveraineté. C’est le vétéran du métier ; et, bien qu’il ait eu quarante-cinq ans jusqu’en 1856, les ravages du temps l’obligent à se déclarer sexagénaire. Remarquez qu’il ressemble à Henri IV, et que, pour compléter l’illusion en joignant l’analogie de la coiffure à celle du visage, il relève le bord antérieur de son chapeau. Cadamour pose pour la tête d’expression, les muscles, les veines et les altères. Quand M. Gerdy, ou tout autre professeur d’anatomie, a besoin d’un écorché vivant, c’est Cadamour qui remplit cette fonction, et il vous dira qu’il s’en acquitte de manière à laisser de profonds souvenirs dans l’esprit des étudiants en médecine. Cadamour posera jusqu’à sa dernière heure : un même instant interrompra pour lui le cours d’une séance et celui de la vie ; il mourra à son poste, et passera brusquement de la table de l’académie sur celle de l’amphithéâtre, ce Père La-Chaise des pauvres, afin de rendre service à la science après sa mort comme de son vivant.
Malgré son grand âge, Cadamour est recherché par tous les artistes. Invitez-le à se rendre chez vous, il vous répondra par une lettre semblable à la suivante :
Monsieur,
Je suist bien fachez de vous re fuser mais tout le moit dedés senbre est prie et la motiez du moi de jénviez jeus quau 21 sisa peut vous con venire daprest cetent la vous pouvez chisire car dieut mersi je ne suis pas sent ou vrage lon masomme de porde-lettre et je ne peut pas contentez tout mon monde jait loneur de vous salue CADAMOUR
Certains tableaux achevés et parfois appartenant à une période postérieure à la sortie de Géricault de l'atelier de Guérin relativisent toutefois cette explosion de muscles:
moins conformes à la raillerie de Guérin selon laquelle, selon laquelle ces académies "ressemblent à la nature, comme une boîte à violon à un violon". C'est précisément l'intérêt de ces académies de Géricault qu'elle réussissent à faire percevoir le violon à travers la boîte:
Le modèle de ce tableau est "le Polonais" :
On pense le reconnaître de dos dans ce Loth regardant brûler les cités de la plaine (attribué également à Géricault)
Il justifierait à lui-seul la réflexion "j'aime les hommes à grosses fesses" qu'on met volontiers dans la bouche de Géricault sans jamais pouvoir en préciser la source...
Le modèle de ce tableau est "le Polonais" :
Après Cadamour, le doyen des modèles est Brzozomvsky, qu’on appelle vulgairement Polonais, parce qu’aucun gosier français n’a jamais pu parvenir à prononcer son nom. Il est perruquier, rue Coquillière, n°21, vend des pommades, et possède d’inappréciables recettes contre les maux d’yeux et les durillons, ce qui ne l’empêche pas d’avoir les pieds déformés par de nombreux tubercules. Heureux homme ! Sa boutique est son Hôtel-des-Invalides : il se console en rasant les artistes de ne plus poser que très-rarement devant eux ! L’embonpoint a gâté ses contours, mais il lui reste une main preste et légère qui manie le rasoir et le peigne avec une égale dextérité. Ce n’est plus Hercule, mais c’est Figaro. (La Bédollière, Le Modèle 1840)Delacroix le peignit aussi chez Guérin quelques années plus tard.
On pense le reconnaître de dos dans ce Loth regardant brûler les cités de la plaine (attribué également à Géricault)
Il justifierait à lui-seul la réflexion "j'aime les hommes à grosses fesses" qu'on met volontiers dans la bouche de Géricault sans jamais pouvoir en préciser la source...
On donne aujourd'hui comme certaine l'attribution du Naufragé de 1817: la proximité avec la date du radeau, pour une figure qui n'a rien à voir avec le tableau, et le style lui-même, peut laisser dubitatif.
Attributions contestées
Le problème n'est toujours pas résolu de déterminer si l'Hector inspiré de David, qui l'emprunta lui-même à Subleyras est ou non à mettre au crédit de Géricault. La succession de ces trois tableaux explique assez bien le passage du classicisme à l'académisme puis au premier romantisme:
Subleyras
David
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