mercredi, juin 20, 2012

Prix de Rome: concours du Torse

 Le Prix de Rome et les concours académiques (1ère partie)


 Alexandre-Romain Honnet, Manlius Torquatus condamne son fils à mort prix de Rome 1799

 ex-aecquo avec (ci-dessous) Augustin-Alphonse Gaudar de la Verdine
 
Alexandre-Charles Guillemot, 1808, Erasistrate découvre la cause de la maladie d’Antiochus


Le concours de la Demi-figure peinte, dit aussi concours du Torse, fut institué en 1784, sur proposition de Quentin de la Tour, pour compléter celui de la Tête d'expression qui, marchepied pour le Prix de Rome, concernait essentiellement des modèles féminins, peu susceptibles d'être inclus dans les tableaux d'histoire, les modèles n'étant pas admis à poser en loge, remplacés par des mannequins drapés.
Le nouveau concours de Quentin, en discussion depuis 1776, débute en 1784, soit une vingtaine d’années après celui de Caylus... Instaurée par Quentin, cette compétition, dite aussi concours du Torse, consiste en l’étude d’un torse avec les mains peintes sur une toile de 40 (1 x 0,8 m). Il demande effectivement les mêmes exigences que les compétitions d’Esquisses en composition historique et constitue par conséquent clairement une préparation au Prix de Rome. D’une durée d’une semaine à raison de 7h de travail par jour, le montant du premier prix ;s’élève à 300.- francs, soit le triple du montant du concours de Caylus. A l’évidence, ce concours du Torse permet une bien meilleure préparation au Prix de Rome que celui de la Tête d'expression. En effet, les thèmes historiques du Prix de Rome convoquent essentiellement des personnages masculins, alors que pour la Tête d’expression le modèle est généralement féminin, le sujet du concours est le plus souvent une expression que nous qualifierons de ‘féminine’ et l’expressivité est uniquement étudiée sur les traits du visage. Dans le concours du Torse, les élèves doivent dessiner un modèle nu, masculin, à mi-corps, dans une pose donnée. Le corps et les membres, représentés jusqu’aux genoux, sont en action, l’expression de la face complétant l’attitude du corps. (Thèse de doctorat de Catherine Schaller)
 Le premier lauréat fut Bernard Duvivier en 1784

 
 En 1785, c'est Guillaume Guillon-Lethière, fils d'un procureur du roi et d'une esclave affranchie de la Guadeloupe qui l'emporte. Second prix de Rome l'année précédente, il deviendra plus tard directeur de l'Académie.
 
 Tour à tour peintre révolutionnaire, impérial, admis à l'institut sous la restauration, Lethière est entre autre célèbre pour sa Mort de Caton de 1795

 de Lethière (qui s'était ainsi nommé car il était le troisième enfant) toujours, ce travail d'école
 
 et cette étude plus tardive


Jean-Baptiste François Desoria (1786 pour cet Hamlet, rare torse accessoirisé) se fera un nom comme portraitiste et dirigera jusqu'à sa fermeture l'Académie des Beaux-Arts de Metz (1825)
académie de Desoria

En 1787, c'est François-Xavier Fabre
Couronné la même année par le premier prix de Rome pour Nabuchodonosor fait tuer les enfants de Sédécias en présence de leur père
 Fabre nous arrêtera un moment pour le nombre d'académies qu'il a laissées. En 1789, ce Saint Sébastien

 La célèbre Mort d'Abel (1791)
 
 Le gladiateur au repos

 Cette double étude de destination inconnue

 Cet autre gladiateur
 Ce dernier étant une attribution incertaine, on s'étonne que personne n'ait songé à lui créditer -ou au suivant- le prisonnier romain du musée de Cahors, toujours anonyme:

En 1788, premier à retourner sa toile, Etienne-Barthélémy Garnier, comme Favre avait commencé à le faire transformant en rochers les boites du mobilier d'atelier, improvise un paysage et une mise en scène:
dans la foulée il emporte cette année-là le premier prix avec La mort de Tatius
 couronnant ainsi ses études


Jacques Réattu, natif d'Arles, concurrent malheureux en 1788 (Mort de Tatius)
gagne l'épreuve du Torse en 1789
Premier prix de Rome 1790 pour Daniel fait arrêter les vieillards accusateurs de la chaste Suzanne
 il deviendra à son retour de Rome un spécialiste de l'allégorie révolutionnaire tout en continuant à cultiver la peinture d'histoire. Sa production connaîtra ensuite un arrêt d'une vingtaine d'années pour ne reprendre que vers 1824. On y a sans doute perdu le meilleur représentant du nu révolutionnaire:
 Apollon rendant à Hector la santé pour combattre les grecs

 Le Triomphe de la Civilisation
 Prométhée élevé au ciel au ciel par le génie de la liberté et protégé par Minerve
 
 Mort d'Alcibiade (1796)

Le Triomphe de la Liberté: les porteurs de cet étrange tableau rappellent assez ceux du triomphe d'Alexande à Babylone, comme les morts piétinés par la liberté et son génie illuminé se souviennent des batailles de Versailles. Il y aurait beaucoup à dire de ce tableau assez unique en son genre, à commencer par la présence des instruments maçonniques dans l'ombre de l'allégorie:

 Le songe de Jacob

 Une session isolée couronne Charles-Toussaint Labadye en 1792

En 1795, les Académies sont refondues en une administration unique, l'Institut. Quand le Concours de Rome reprend, en 1797, comme pour se dédommager des années d'inactivité, le jury attribue trois premiers prix, fort inégaux, pour La Mort de Caton d'Utique:

Pierre-Narcisse Guérin
 Louis-André-Gabriel Bouchet
 et plus curieusement le très torturé tableau de Pierre Bouillon
 On sait quel grand professeur fut Pierre-narcisse Guérin: bien qu'il semble pour son propre compte avoir préféré les figures féminines, on peut mentionner ces dessins:

attribué


Le concours du Torse connait aussi cette égalité, récompensant en 1897  Joseph-François Ducq

 et Claude Gautherot
 
 lequel récidive en 1798
accompagné de Jean-Pierre Granger
Seul le dernier décrochera un premier Prix, en 1800 (Antiochus renvoie son fils à Scipion)

 devant Ducq et Ingres, deuxièmes ex-aecquo.

En 1798, le premier prix de Rome échut à Fulchran-Jean Harriet


pour son Combat des Horaces et des Curiaces


En 1799 et 1800, le concours du Torse revint à Auguste(Augustin)-Alphonse Gaudar de la Verdine, qui mourut à Sienne à l'âge de 24 ans.
 

 Il apparaît clair avec ce peintre qu'on a changé d'époque et qu'il est le précurseur du style empire. Son oeuvre est restée presque inconnue à l'exception du Roland furieux exposé de façon posthume:

On peut remarquer la similitude de ce tableau avec le Milon de Crotone du château de Loubens-Loragais, attribué à un certain Stephani Vignes, introuvable par ailleurs



Gaudar de la Verdine, Narcisse (peint à Rome, musée de Chatellereau)



En 1800, il partage le prix du concours du torse avec Ingres,
apparemment familier de ce modèle qu'on peut penser être Cadamour


Le torse de 1801 où Ingres l'emporta seul paraît avoir disparu en main privée. A son deuxième essai, Ingres emporta le prix de Rome avec ce tableau demeuré célèbre Les Ambassadeurs envoyés par Agamemnon à Achille, pour le prier de combattre



 dont l'esquisse, découvrant le personnage de droite, ne présente pas le raffinement à l'arrière plan de ce tableau dans le tableau
 

 1802 Louis Thomassin

 1803 Jean-Pierre Granger (on peut douter de la date ou de l'attribution, Granger étant déjà 1er grand prix  de Rome en 1800)
 1804 François-Joseph Heim
 
 et Merry Joseph Blondel. Ces deux tableaux posent un problème puisqu'on y identifie le même modèle, mais que la pose n'est pas identique

 1805 Pierre Louis Grevedon
 1806 Guillaume François Monnais

Le tableau de Heim Thésée vainqueur du Minotaure (1807) présente une composition originale

Ce tableau resté anonyme, traite le même sujet de Thésée vainqueur du Minotaure, mais son format le rend peu susceptible d'être destiné au concours. On pourrait en revanche supposer qu'il soit un envoi de Rome d'un des lauréats:

Parmi les autres œuvres de François-Joseph Heim, on distinguera ces études:
Songe d'un héros antique

 cette dernière peut-être destinée à la figure de Jupiter dans le plafond commandé par Charles X illustrant Jupiter donnant le feu au Vésuve (détail du plafond et du modello)
 

ainsi que le Sac de Jérusalem du Metropolitan


Merry-Joseph Blondel, auteur en 1803 de cette étude de Zénobie trouvée par les bergers (futur sujet de concours)

l'emporta avec le très académique Énée emportant son père Anchise .
 

Il laissa une Mort de Patrocle inachevée

et rencontra la célébrité avec Apollon et Hyacinthe

avant de se consacrer aux décors de plafonds et de produire en conséquence ces études allégoriques et mythologiques:

 Hercule
 Le Silence
 Neptune
Mars
 L'étude pour la fresque d'Eole
 

Dans la liste des Prix de Rome, on s'étonne de voir couronné deux fois Felix Boisselier, c'est sans doute qu'il y a confusion entre son frère cadet Félix-Antoine (peintre de paysages) et lui, qui mourut prématurément à Rome laissant au moins ce tableau célèbre de Berger antique


A Jérome Martin Langlois, vainqueur en 1809 avec Priam réclamant à Achille le corps de son fils, d'une belle lumière et aux motifs d'arrière plan plus intéressant que le principal,
on prête essentiellement des copies, et le rôle d'assistant de David pour l'Enlèvement des Sabines. Il est célèbre pour un dessin d'Apelle peignant Campaspe en présence d'Alexandre, au style maniéré.

 et s'est vu attribuer ce Guerrier de Marathon
 

On passera sur quelques autres pour en venir à Michel Martin Drölling, autre élève de David qui reprit son atelier lors de son exil (il convient de ne pas le confondre avec son père Martin Drölling, spécialiste des scènes de genre à la hollandaise).
En 1810, Drölling l'emporte pour La colère d'Achille

Les sujets académique de peinture mythologique abondent dans l’œuvre bien oublié de M.M. Drölling. La même année 1810 il peint un Agammemnon regardant Achille remettre à Nestor le prix de la sagesse


En plus des deux dessins académiques des collection du Louvres

 
 on peut citer ce Philoctete guérissant ses blessures dans l'ïle de Lemnos
 et cette scène antique où les exégètes reconnaissent une mort de Sénèque:

Deuxième en 1810, Alexandre Denis Abel de Pujol décroche une premier prix l'année suivante. Son tableau de concours Lycurgue présente aux Lacédémoniens l'héritier du trône
 est moins palpitant que l'étude:
 
 C'était déjà le cas pour sa Clémence de César (1809)


Etudes de trois vieillard pour le Triomphe des grands hommes
 
L'ignorance
 Résurrection du Christ

Auteur de divers plafonds dont celui de la Bourse et en partie de la galerie de Diane à Fontainebleau, il laisse deux nus académiques frappants:

Sisyphe
 Ixion



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