L'autre ensemble d'ampleur de Le Brun est constitué par les quatre grands tableaux de l'Histoire d'Alexandre du Louvre, si jalousement conservés par l'institution qu'on n'en trouve guère de reproduction correcte (autres que les tapisseries et les gravures qui les ont fait connaître, sous des formes sans cesse révisées). Nés du succès rencontré par la représentation des Reines de Perse (ou La Tente d'Alexandre ou encore La famille de Darius aux pieds d'Alexandre), ces grandes fresque historiques sont évidemment aussi des hommages au roi, et résument tout le savoir faire du peintre.
Encore ne rendent-elles compte que d'un état figé -et on le verra d'un ensemble inachevé- de la création, le véritable prodige résidant dans les étapes qui mènent à leur réalisation, et dans le détail des innombrables études et dessins préparatoires qu'ils ont réclamés.
Les dessins de Le Brun forment un ensemble sans équivalent dans l'histoire de l'art en ce qui concerne la représentation de la figure humaine (et l'on ne traitera ni des femmes, enfants, chevaux, expressions et visages animaux anthropomorphes qui influencèrent si profondément ses successeurs).
Aujourd'hui en les redécouvrant, alors que j'ai fréquenté Le Louvre toute mon enfance, -c'était gratuit autrefois le mercredi après-midi et le dimanche- je m'étonne de n'en avoir aucun souvenir, peut-être parce que j'étais plus fasciné par les toiles monumentales de David, le Radeau de la Méduse de Géricault, ou les bijoux regroupés dans la Galerie d'Apollon dont la réalisation confiée à Le Brun avant ses travaux à Versailles ne fut jamais achevée avant que Delacroix reprenne le flambeau.
Les tableaux de l'Histoire d'Alexandre, par rapport aux représentations allégoriques que suscitent les scènes de l'histoire de Louis XIV peuvent passer pour des tableaux réalistes: hormis l'aigle de Zeus, il n'y a pas de personnages volants. Ce sont en revanche pour la plupart de formidables études de nus, plus ou moins déguisés, plus ou moins rhabillés à mesure qu'ils servent de cartons de tapisseries ou de sujet de gravure (la série d'Audran qui reconsidère ces "batailles" sous l'angle du combat du vice et de la vertu).
Commençons par la fin, l'Entrée d'Alexandre à Babylone, où le motif le plus frappant, en plus du chatoiement de couleur de l'ensemble et des extraordinaires pièces de mobilier, est -tableau dans le tableau-le groupe d'esclaves portant une aiguière:
L'étude correspondante:
montre Porus assis sur un trône dont les détails-même prêteraient (comme le vase du tableau précédent) à commentaires. Etudes de la figure de Porus et du guerrier fuyant
L'étude générale de la partie gauche du tableau révèle un travail de détails saisissants:
dont on retiendra les figures centrale, le thème des hommes renversés ayant sa place plus loin:
Ce groupe inspirera durablement les graveurs (ici dans une version du 19ème siècle)
Etudes de prisonniers enchaînées pour la Bataille d'Arbelles et Alexandre et Porus
Dans le tableau Alexandre et Porus (Défaite de Porus), la partie gauche du dessin préparatoire révèle une accumulation de corps qui préfigure Géricault:
Ce dessin préparatoire montre d’importants changements dans la composition d'ensemble: le guerrier nu, de dos à droite a cédé la place à un second cavalier derrière Alexandre, l'éléphant mort qui occupait le centre du tableau est remplacé par un guerrier ramassant un carquois et des armes:
L'étude du nu tiré par le cheval ne semble malheureusement pas exister seule:
Au contraire de certaines autre figures
Celle d'Alexandre et de Porus soutenu par ses guerriers:
Le tableau qui semble avoir coûté le plus à Le Brun, et dont la composition a le plus évolué depuis les esquisses est le Passage du Granique, l'hésitation portant sur la présence d'une barque au premier plan à droite, ou d'un bateau au fond à gauche:
Il existe des études de nautonier pour le groupe de droite qui aurait à lui seul constitué un excellent tableau:
Les cavaliers ont immédiatement pris leur forme quasi-définitive:
Ceux du centre (le sujet principal)
Comme le groupe du bas
Au loin à gauche, les soldats sont finalement passés à pied, portant leurs vêtements sur leurs boucliers:
Ce qui a produit ce résultat:
et pour toute la partie inférieure du tableau
partie que Le Brun devait trouver à son goût puisqu'il la reproduit (ainsi que d'autres allusions à l'entrée dans Babylone) sur le mur (laissé vide dans le carton) de la tapisserie de la Visite de Louis XIV aux Gobelins:
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