jeudi, mai 03, 2012

La méthode Desbonnet

Edmond Desbonnet (1868-1953) est, dit-on, le père de la culture physique: c'est en tout cas lui qui inventa l'expression.
Desbonnet est intéressant à plusieurs titre:
-en tant que praticien lui-même et inventeur d'une méthode pratique
-en temps qu'écrivain témoignant de l'histoire de sa discipline
-en tant que collectionneur et photographe
-par sa réussite commerciale sans précédent qui met en place le système des salles de sports que nous connaissons aujourd'hui
-comme éditeur et patron de presse (fondateur de la presse "physique")

Les deux portraits les plus célèbres d'Edmond Desbonnet.
Il n'est pourtant pas le premier à promouvoir le sport en salle: dans les Rois de La Force, Desbonnet rend hommage à son prédécesseur Antoine Hippolyte Triat qui ouvrit une salle de sport à paris en 1847 après avoir dirigé un gymnase pendant plusieurs années en Belgique (le texte de Desbonnet est bien sûr en français, mais pas d'accès en ligne à la version originale...
Hippolyte-Antoine Triat was born in Saint-Chaptes, a little village near Nîmes (Gard) in 1813. He was the youngest in a large family. He was only four when his parents died, and he was taken to be raised by his eldest sister who lived in Nîmes. At the age of six he was kidnapped at a carnival by gypsies who either gave or sold him to a troupe of traveling Italian performers in Nice. He stayed with them for seven years, traveling to Italy, Austria, and Spain. During these years, Triat was dressed as a girl and performed in a wirewalking
act under the name of “Young Isela.” In 1825 the troupe split up and the boy remained with a Spaniard named Consuelo. Together with the older man and his two sons, Triat formed a weightlifting and physique posing group called ‘The Alcides.” Triat quickly took to this work, and he succeeded so well that shortly afterward he was known all over Spain as l'Enfant (the Child).

While he was in Burgos in 1828, Triat had an accident which forced him to remain in that city much longer than he had expected. The young man’s left leg was broken by a horse’s hooves when he attempted to stop it from running away. The lady who was thus saved was Mme. Montsento, and she interested herself in
him, and after he recovered, his wealthy benefactor paid for the young man’s education at the Jesuit college of Burgos where he remained until he was twenty-two years old.
... The new establishment was begun around 1855 and was located on the exact spot where one now
finds the Rue François 1er. Then came the Franco-Prussian War of 1870 and the Commune. Triat was implicated when he lent his gymnasium for meetings and especially for being named, at the instigation of Jules Allix (1818-1897), member of the Central Committee, as the director of gymnastic exercises for the City of Paris (see the Journal officiel de a Commune for April 7, 1871 in which the grounds for naming Triat
to this post are quite curious).12 He was afterwards taken prisoner by faces loyal to the National Assembly and imprisoned at Versailles for a time. He returned to Paris in July and took over the direction of a new gymnasium at 22 Rue Bouloi. Triat left the profession once and for all in 1879, and he died in his home at 27 Rue Jean-Jacques-Rousseau in Paris on January 11, 1881 at the age of 68. His funeral was on January 13, 1881, and he was buried in the Cimetière du Nord [Northern Cemetery] (called the Cimetière Montmartre, boulevard de Clichy, Avenue Rachel) in the plot of the Allix family, 24th division, 17th line, Avenue du
Tunnel, 5.
 Dans la collection Desbonnet (plus de 10 000 clichés en dehors de ceux qu'il prit lui-même) existe cette "photographie" de Triat:

 S'il s'agit bien, en fait, d'une photographie, c'est celle d'un tableau, le fameux Esclave appuyé à un tombeau d'Ernest Hébert. reste à démontrer que le modèle en fut bien Triat. Il y aurait alors chez Hébert une curieuse "prémonition" (puisque ce tableau serait un de ses deux envois de Rome) de faire s'appuyer Trit à un tombeau marqué "République", comme si son "esclave" était une sorte de Spartacus en colère:
L'idée d'Hippolyte Triat était de fournir une salle aux militaires, aux femmes, aux enfants, salle assez vaste pour pratiquer la gymnastique au sol, mais également des exercices à cheval.  Triat inventa le système de financement par abonnement que devait reprendre Desbonnet, mais au contraire de son successeur il imagina aussi que le gymnase moderne devait comporter des galeries élevées permettant à des spectateurs d'assister aux séances d'entraînement. Plus important encore, ce qui fit dire que la gymnastique à terre véhiculait une idéologie, les salle Triat furent des lieux de rencontre entre classes sociales, mélange qui s'avéra être le reproche le plus fréquent qu'on faisait à l'homosexualité.

gravure représentant la salle Triat avenue Montaigne.

Desbonnet lui, passa à la phase commerciale moderne de la salle de sport, inventant la souscription en 26 leçons payées d'avance, des structures plus petites et moins "confortables" (quoiqu'il y joignit certains soins d'hydrothérapie), et un  système de "franchises" qui le mit à la tête d'un réseau international de plus de 200 salles à son apogée.
Salle Desbonnet de la Rue de Ponthieu.

Dans Les rois de la force (1911) il se fait le premier historien des lutteurs, haltérophiles et hommes forts, mettant à profit sa large collection de documents:

Stanislaus Zbysko sans la moustache, à l'âge de 20 ans






Toutes les célébrités de ces disciplines sont passés par les salles Desbonnet et ont contribué à leur publicité:

 Poseurs d'atelier:

Henri Deglane vers 1920, avant son titre olympique





 Bonnat
 Marc gaucher

 Bobby Pandour, l'"écorché vivant"

Parmi les célébrités tardives de l'école Desbonnet Charles Rigoulot devint une star du sport (il fut aussi sur le tard coureur automobile)

Ses démêlés avec Ernest Cadine (autre homme fort de l'écurie Desbonnet sont demeurés célèbres:

 Cadine photographié par Desbonnet, avec le trophée Sandow
 Cadine en 1919
























à gauche, une photographie découpée de la collection Desbonnet

Cadine (collection Fred A)

La clientèle de Desbonnet se trouvait naturellement dans l'aristocratie: outre qu'il s'agissait d'un moyen pratique de gagner de l'argent Desbonnet visait à l'amélioration physique de ses contemporains, inventant un suivi personnalisé à base de clichés photographiques avant-après: on lui doit en conséquence une série d'avant-après qui constituent l'émergence dans la photographie du physique commun de Monsieur Tout-le-monde, évènement dont on ne mesure toujours pas la modernité:






Un forum nous donne accès à la collection de plaques de verres stéréoscopiques de Desbonnet qui montre essentiellement des anonymes car le collectionneur en question (Cricri 974, qui dit en posséder 70, on aimerait voir le reste!)), cherchant à identifier les personnages représentés nous fournissait par la même occasion des scans d'assez bonne qualité de documents ailleurs reproduits -où l'on se rendra compte que Lurich, Sandow, et d'autres ont  dans des tailles trop insignifiantes:

Louis Uni dit Apollon







A partir de 1913, Desbonnet arrête de publier, on s'interroge sur le contenu de son dernier ouvrage intitulé Le tocsin avant le glas. C'est désormais avec la publication de du magazine Culture physique qu'il fait le travail de promotion.
A l'inverse des photos de ses clients, il publie alors des clichés des célébrités du temps, relançant le lien entre "santé, beauté, force", slogan également novateur:





3 commentaires:

chris974 a dit…

Quelques précisions sur les plaques stéréos reproduites ici :

- 2ème plaque : le personnage moustachu en costume derrière l'athlète de gauche est Eugène Robert (je pense que la photo est prise à la S.A.M.)
- 3ème plaque (personnage qui tient le trophée de Sandow): il s'agit de Léon Sée
Les deux dernières plaques représentent 2 athlètes que j'avais déjà identifiés : il s'agit du Roumain Sonda et du bras droit de Desbonnet, Emile Valtier.

Et si je peux me permettre une petite rectification relative à l'oeuvre littéraire de Desbonnet, "Un coup de tocsin avant le glas" est loin d'être son dernier ouvrage puisqu'il a publié des livres vantant sa méthode jusqu'à la fin des années 30. Le plus connu étant "La Gymnastique des Organes" paru -de mémoire- en 1936.

Fred. A a dit…

merci beaucoup pour ces commentaires instructifs et érudits; je vais tenter de les intégrer à l'article.

Unknown a dit…

Bonjour Chris974,

Je suis en train d'écrire un article sur la Société Athlétique Montmartroise(SAM)fondée en 1898 dans le 18ème arrondissement de Paris mais je ne sais pas qui était précisément son fondateur Eugène Robert, un haltérophile? un lanceur de poids? Quand est-il décédé?
Merci de votre aide
amarannick@gmail.com
Annick Amar 06 31 14 43 57