mercredi, décembre 25, 2019

hikmet

 Joyeux Noël 2019



Continuez à vous battre : tout l'argent qu'on me donne pour les funérailles de mon défunt mari, et qui ne partira pas en fleurs puisqu'il a été crématisé part pour les caisses de grève, afin que, moi le survivant, j'aie la chance de vivre son plus grand souhait, la révolution et l'éradication du tyran.






Nâzim Hikmet (1902-1963)


Que c’est beau de penser à toi
d’écrire pour toi,
de penser à toi;;; couché sur le dos;;;; en prison :
un mot que tu ;;;dis tel jour à tel endroit,
;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;pas le mot ;;;lui-même,
;;;;;;;mais l’univers qu’évoquait le timbre de ta voix…
Que c’est beau de penser à toi,
il faut que je sculpte pour toi;;;; dans le bois
;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;un coffret
;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;une bague,
;;;;;;ou ;;;tisser trois mètres de soie très fine…
et soudain
;;;;;;;;;;;;;;;bondissant sur mes pieds
courir me coller aux barreaux de la fenêtre
vers le ciel du bleu ;;;;laiteux de la liberté
;;;;;;crier de toute ma voix ce que j’ai écrit pour toi…
Que c’est beau de penser à toi :
à travers les rumeurs ;;;de mort et de victoire,
en prison
alors que j’ai passé la quarantaine…

1944

dimanche, décembre 08, 2019

neruda en hommage à mon amour mort

 

 

 

La centaine d’amour

(XCII)
Mon amour, si je meurs et si tu ne meurs pas,
mon amour, si tu meurs et si je ne meurs pas,
n’accordons pas à la douleur plus grand domaine :
nulle étendue ne passe celle de nos vies.

Poussière sur le blé, et sable sur les sables
l’eau errante et le temps, et le vent vagabond
nous emportaient tous deux comme graine embarquée.
Nous pouvions dans ce temps ne pas nous rencontrer.

Et dans cette prairie où nous nous rencontrâmes,
mon petit infini, nous voici à nouveau.
Mais cet amour, amour, est un amour sans fin,
et de même qu’il n’a pas connu de naissance
il ignore la mort, il est comme un long fleuve,
il change seulement de lèvres et de terre.


In La centaine d’amour, traduit de l’espagnol par Claude Couffon,
Jean Marcenac 
et André Bonhomme © Du monde entier, Gallimard
Pablo Neruda, est un des poètes majeurs du 20è siècle, diplomate, homme politique et penseur chilien, né en 1904 à Parral et mort en 1973 à Santiago du Chili, assassiné  par la dictature fasciste de Pinochet.



Pablo NERUDA
Recueil : "Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée"
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Écrire, par exemple: « La nuit est étoilée
et les astres d’azur tremblent dans le lointain. »
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.
Je puis écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l’aimais, et parfois elle aussi elle m’aima.
Les nuits comme cette nuit, je l’avais entre mes bras.
Je l’embrassai tant de fois sous le ciel, ciel infini.
Elle m’aima, et parfois moi aussi je l’ai aimée.
Comment n’aimerait-on pas ses grands yeux fixes.
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Penser que je ne l’ai pas. Regretter l’avoir perdue.
Entendre la nuit immense, et plus immense sans elle.
Et le vers tombe dans l’âme comme la rosée dans l’herbe.
Qu’importe que mon amour n’ait pas pu la retenir.
La nuit est pleine d’étoiles, elle n’est pas avec moi.
Voilà tout. Au loin on chante. C’est au loin.
Et mon âme est mécontente parce que je l’ai perdue.
Comme pour la rapprocher, c’est mon regard qui la cherche.
Et mon coeur aussi la cherche, elle n’est pas avec moi.
Et c’est bien la même nuit qui blanchit les mêmes arbres.
Mais nous autres, ceux d’alors, nous ne sommes plus les mêmes.
je ne l’aime plus, c’est vrai. Pourtant, combien je l’aimais.
Ma voix appelait le vent pour aller à son oreille.
A un autre. A un autre elle sera. Ainsi qu’avant mes baisers.
Avec sa voix, son corps clair. Avec ses yeux infinis.
je ne l’aime plus, c’est vrai, pourtant, peut-être je l’aime.
Il est si bref l’amour et l’oubli est si long.
C’était en des nuits pareilles, je l’avais entre mes bras
et mon âme est mécontente parce que je l’ai perdue.
Même si cette douleur est la dernière par elle
et même si ce poème est les derniers vers pour elle.
mis en musique par Samuel Barber in The lovers
(traduit par André Bonhomme et Jean Marcenac)

 serge, dix minutes avant le mariage, ma vie, mon amour