lundi, mai 28, 2012

Gericault and I

Many years ago, when I was a (would-be) painter, Géricault provided the inspiration for this painting entitled Last meeting of the Sun-worshippers. It was in its time exhibited in the Salon des Indépendants and I heard many people looking at it complaining about this vision of horrors:

Dernière réunion des adorateurs du soleil

I had been very impressed by the big Géricault exhibition at le Grand Palais that same year; we (The Salon) used to share that building at that time... How we got expelled is another story. My painting was a comment on the Solar Temple affair and the state of countempory France: I had no idea this would be a lot worse afterwards.


J'avais été fasciné par la face noire de l’œuvre de Géricault à la suite de la rétrospective du Grand Palais:



ROMANTISME NOIR


1.         Heureux temps où dans les académies d'artistes
Le corps nu féminin offensait la pudeur
Et qu'ouvriers, soldats, forts des Halles, rôdeurs
Posaient ficelés des bergers irréalistes.
Théodore traçait des esquisses adroites,
Tant, que le professeur disait élégamment:
" La figure ressemble à l'homme vaguement,
Comme un violon peut ressembler à sa boîte. »
Il les modelait tels qu'il voyait ses héros:
La croupe d'un cheval et le cou d'un taureau,
Les mains larges, des bras à manier la hache. 
Bientôt il irait voir au cirque les dresseurs
Et, garde national, peindrait en connaisseur
Cavaliers blessés et lieutenants à moustache.


2.         Fuyant la société des dames de Florence,
C'est à Rome tout seul dans un odieux taudis
Qu'il se bâtit un masque d'artiste maudit
Que la nuit livre à de périlleuses errances.
Les lettres racontant à ses amants de France
Ses émotions devant Michel-Ange, pardi!
Ont toutes disparues, et l'obscur paradis
Italien passe pour le palais des souffrances. 
Dans le Trastevere, il croquait les vachers,
Les garçons d'écurie et les taureaux lâchés.
Dans le public des exécutions capitales,
Las de ne peindre que les couilles des chevaux,
Ecrasé par tant d'art dans chaque caniveau
Enfin libre, il goûtait aux extases brutales.
 
 
3.        " L'annexe de la morgue est au faubourg du Roule »
             Diront les rares visiteurs de l'atelier:
Têtes, bras mutilés, par les hospitaliers
Lui étaient apportés à l'insu de la foule.
Les rats hantaient la nuit ce repère de goules;
Ça sentait le cadavre dans les escaliers,
Jusqu'au fond du réduit où Jamar l'écolier
Offrait son dos zébré au maître sans cagoule,
Lequel pour mieux monter lui ajustait le mors. 
Cinq mois reclus, en créant, ils firent la mort:
Tous les moyens sont bons pour que le génie fuse. 
Car, étudiant les jaunes verdâtres des chairs
Et les muscles du nègre Joseph pour pas cher,
Il terminait Les Naufragés de la Méduse.


4.         Le chirurgien ouvrit en désespoir de cause:
Il gratta l'os carié sous l'abcès de son dos.
Il opérait à vif: agrippé au rideau,
Le patient subissait la douleur lèvres closes. 
Avec le mal physique, il était en osmose.
Rageant que la vie ne lui ait pas fait cadeau
De cinq bons tableaux, il ravalait son radeau
Au rang des vignettes que les journaux proposent. 
Avant que de s'évanouir sous le scalpel,
Il vit tous ces projets condamnés sans appel,
Dans l'esprit relégués plus loin qu'en une cave:
Des vues d'assassinat, des portraits de gibet,
Estrapade, torture, et, sous les quolibets,
Les bourreaux flagellant de musculeux esclaves.

I could not by the catalogue at the time: I missed it since. Many years after I became fascinated again, finding on the web new drawings I had never seen. So, out of this material, I made the book I never could find about Géricaul.

Faute de trouver le livre idéal, j'ai fini par tenter de le faire: j'admets volontiers que ma vision est biaisée, mais j'ai voulu faire descendre Géricault de son cheval.

 You can find it here:
(it is, as the other uplaods a little more complete than the version appearing on the blog)

Géricault
La chasse à l'homme pdf 247 pages
http://www.mediafire.com/view/?f1h39fr1bck6b4b

ou si voulez tout changer et corriger les fautes de frappe... le même en format doc, ici:
http://www.mediafire.com/view/?m9m0lppb5h9pdze



Géricault Paysage à l'Aqueduc


Géricault, Guérin et la boîte à violon

Géricault est le plus grand peintre français. Il n'a vécu que 33 ans, et la postérité ne retient de lui qu'une seule œuvre majeure dont la dimension fait qu'elle n'est plus déplaçable et les huiles, pigments et bitumes utilisés pour sa réalisation, qu'elle s'assombrit et se détruit d'elle-même. Il n'est même plus question d'envisager une étude de la version finale de la Scène de Naufrage tant le tableau fit couler d'encre.

Parmi les quatre ou cinq toiles monumentales qu'envisagea de produire Géricault, c'est le seul exemple achevé et l'aboutissement d'un processus créatif aux ramifications multiples qui concentre tous les mystères et pour ainsi dire les mythes liés au personnage du créateur. Si Géricault est le plus grand peintre français comme on le prétend ici, c'est que sa démarche -inconsciente, le créateur ne sait pas ce qu'il fait, et une fois qu'il l'a fait, se débarrasse du problème en jugeant que "ça ne vaut pas le coup d'être vu"- dépasse le problème de la peinture et de l'art.


On trouvera ici l’essentiel de la production de Géricault, à l’exception des tableaux les plus connus, qu’on se procurera facilement ailleurs. Parmi les œuvres présentées, on conçoit que certaines puissent passer pour des gribouillis maladroits, -mais il y a parfois autant à retirer d’un improbable croquis de jeunesse que d’un tableau achevé-, que d’autres ne soient que des attributions improbables, mais qui témoignent alors de la résonance incroyable que le personnage lui-même a pu produire chez ses contemporains, et parfois bien au-delà.
Guérin Académie

On attribue à Géricault un très grand nombre d'académies masculines (forcément puisqu'il n'était pas question de faire poser des modèles féminins dans les ateliers vers 1810) dont certaines ne sont sans doute pas de lui -mais on ne prête qu'aux riches, et beaucoup en tant qu'études scolaires, inachevées, sans les fonds, ce qui pose Géricault comme un peintre moderne par le seul fait qu'il se contenta d'esquisser le motif avant de se désintéresser de l'objet représenté comme des formes de sa représentation, alors que pousser un peu plus loin aurait obligé le peintre à recommencer le motif puisque tout changement dans son environnement change le sujet, la densité de la couche picturale, le trait improvisé. On dit que dans ses études tardives, Géricault évitait de finir, afin de ne pas tarir l'envie ni la spontanéité de l'improvisation.

ci-dessous autrefois attribué à Géricault, l'étude, plus achevée (musée de Washington) est créditée à un autre élève, sans qu'un nom soit proposé
comme ce troisième tableau du même modèle


Dans l'atelier de Guérin (concurrent de celui de David) la réputation de Géricault grandissait auprès de ses condisciples à mesure que l'opinion du Maître diminuait, diverses anecdotes rapportant les farces et les frasques d'un élève turbulent qui n'hésitait pas à gâcher son travail et celui de ses camarades, comme celui de la copie du tableau de Guérin L'offrande à Esculape qui écopa du jet d'un seau d'eau:

 A regarder les œuvres de Guérin, on comprend mieux l'incompatibilité des visions du professeur et de l'élève, le premier concevant des corps ronds et mous d'adolescents féminisés


le second des corps presque toujours en tension (voire en torsion) aux muscles saillants, sans doute virilisés par rapport au modèle vivant 



Selon toutes probabilités ce tableau est celui du deuxième tour du Prix de Rome 1816, demi-nu en torse, couverture rouge et boîtes sont les éléments typiques de ce genre d’exercice. L’élimination de Géricault serait donc due à la trivialité du rendu, visage rouge, tons bleu-vert des ombres…


Le modèle de ce tableau (qui correspond moins au style de Géricault, mais c'est certain pour le suivant) a été identifié comme Cadamour, dont Emile Gigault de la Bédollière dit encore en 1840 (dans Le Modèle)
C’est dans les académies qu’on peut passer en revue les modèles qui, s’élevant au-dessus de la foule de leurs collègues, se sont acquis une réputation fructueuse : célébrités que personne ne connaît, illustrations qui naissent et meurent dans l’obscurité, dont les noms, fameux dans les ateliers, sont complétement ignorés du public. Là, vous voyez en première ligne l’Italien Cadamuro, dont la carte de visite porte :
                C
ADAMOUR, roi des modèles.
et auquel personne ne dispute cette honorable souveraineté. C’est le vétéran du métier ; et, bien qu’il ait eu quarante-cinq ans jusqu’en 1856, les ravages du temps l’obligent à se déclarer sexagénaire. Remarquez qu’il ressemble à Henri IV, et que, pour compléter l’illusion en joignant l’analogie de la coiffure à celle du visage, il relève le bord antérieur de son chapeau. Cadamour pose pour la tête d’expression, les muscles, les veines et les altères. Quand M. Gerdy, ou tout autre professeur d’anatomie, a besoin d’un écorché vivant, c’est Cadamour qui remplit cette fonction, et il vous dira qu’il s’en acquitte de manière à laisser de profonds souvenirs dans l’esprit des étudiants en médecine. Cadamour posera jusqu’à sa dernière heure : un même instant interrompra pour lui le cours d’une séance et celui de la vie ; il mourra à son poste, et passera brusquement de la table de l’académie sur celle de l’amphithéâtre, ce Père La-Chaise des pauvres, afin de rendre service à la science après sa mort comme de son vivant.
Malgré son grand âge, Cadamour est recherché par tous les artistes. Invitez-le à se rendre chez vous, il vous répondra par une lettre semblable à la suivante :

    Monsieur,
Je suist bien fachez de vous re fuser mais tout le moit dedés senbre est prie et la motiez du moi de jénviez jeus quau 21 sisa peut vous con venire daprest cetent la vous pouvez chisire car dieut mersi je ne suis pas sent ou vrage lon masomme de porde-lettre et je ne peut pas contentez tout mon monde jait loneur de vous salue                          C
ADAMOUR



Certains tableaux achevés et parfois appartenant à une période postérieure à la sortie de Géricault de l'atelier de Guérin  relativisent toutefois cette explosion de muscles:



moins conformes à la raillerie de Guérin selon laquelle, selon laquelle ces académies "ressemblent à la nature, comme une boîte à violon à un violon". C'est précisément l'intérêt de ces académies de Géricault qu'elle réussissent à faire percevoir le violon à travers la boîte:


Le modèle de ce tableau est "le Polonais" :
Après Cadamour, le doyen des modèles est Brzozomvsky, qu’on appelle vulgairement Polonais, parce qu’aucun gosier français n’a jamais pu parvenir à prononcer son nom. Il est perruquier, rue Coquillière, n°21, vend des pommades, et possède d’inappréciables recettes contre les maux d’yeux et les durillons, ce qui ne l’empêche pas d’avoir les pieds déformés par de nombreux tubercules. Heureux homme ! Sa boutique est son Hôtel-des-Invalides : il se console en rasant les artistes de ne plus poser que très-rarement devant eux ! L’embonpoint a gâté ses contours, mais il lui reste une main preste et légère qui manie le rasoir et le peigne avec une égale dextérité. Ce n’est plus Hercule, mais c’est Figaro. (La Bédollière, Le Modèle 1840)
 Delacroix le peignit aussi chez Guérin quelques années plus tard.


On pense le reconnaître de dos dans ce Loth regardant brûler les cités de la plaine (attribué également à Géricault)
Il justifierait à lui-seul la réflexion "j'aime les hommes à grosses fesses" qu'on met volontiers dans la bouche de Géricault sans jamais pouvoir en préciser la source...






On donne aujourd'hui comme certaine l'attribution du Naufragé de 1817: la proximité avec la date du radeau, pour une figure qui n'a rien à voir avec le tableau, et le style lui-même, peut laisser dubitatif.

On lui préfèrerait ces dessins à la paternité certaine (d'après l'antique peut-être) et à la destination inconnue:



Attributions contestées

Le problème n'est toujours pas résolu de déterminer si l'Hector inspiré de David, qui l'emprunta lui-même à Subleyras est ou non à mettre au crédit de Géricault. La succession de ces trois tableaux explique assez bien le passage du classicisme à l'académisme puis au premier romantisme:

Subleyras

David

 Géricault peut-être



Géricault, cheval, lutte et châtiment

La postérité noue de façon indissociable Géricault à ses multiples représentations équestres, la peinture de chevaux n'étant pas traditionnelle en France, malgré les nombreuses études que Lebrun en fit pour servir à ses batailles.

Encore élève chez Guérin, Géricault s'éloigne des académies masculines pour aller chercher ses modèles dans les écuries, selon ses biographes successifs, aux casernes de Courbevoie ou de Versailles. La constante est que ce n'est pas (avant Rome et Londres) le cheval que peint Géricault, mais le cheval militaire. Ce n'est pourtant pas comme dans l'immense toile du salon de 1812 (Le Chasseur de la Garde) le cheval héroïque, mais selon le mot de son premier biographe le "coursier au repos", et s'il le représente en poitrail ou en portrait, on en retient surtout les portraits par l'arrière, en croupe de nouveau dans cette étrange étude à trois niveaux -où un seul cheval fait face comme relais du spectateur de l'ensemble- dont la composition est comme l'anticipation d'une planche de Muybridge, et le plan de plus en plus resserré à mesure qu'on descend, comme s'il s'agissait d'une prémonition de la représentation du corps en morceaux:

La tentation est grande, comme dans les compositions encadrées des carnets d'étude de souligner la parenté avec l'art à venir de la bande dessinée, ou du mouvement cinématographique:


L'insistance sur ce motif n'est pas isolée
 même si d'autres toiles rendent la représentation "entière" plus acceptable et moins spontanée:
Pour être plus direct, ce que peint Géricault, ce sont des culs et des couilles de chevaux: ne doutons pas que s'il en avait eu l'occasion il aurait fait de même des militaires qui les montaient, et qu'à travers la croupe du cheval se devine forcément celle du cavalier.
Soldats ambigus,
 
 lads indiscrets:

Charles Clément (Gazette des Beaux-Arts 1867), le biographe le plus marquant de Géricault raconte:
"Excellent écuyer, dit M. Moulin, il n'avait pas de plus grand plaisir que de chevaucher à travers la campagne, montant de préférence les chevaux entiers, et choisissant toujours le plus fougueux."
Cette aquarelle montre assez clairement ce rapport: l’œuvre, quoiqu'elle évoque directement les premiers tableaux monumentaux de Géricault serait selon des catalogues anciens (après une longue éclipse du thème "militaire équestre") le dernier dessin de Géricault.

Un sujet moins renommé que les chasseurs ou lanciers revient avec insistance dans les tableaux de Géricault: le trompette. Inutile d'épiloguer sur le sous-entendu que suppose l'instrument (et que redouble la "plume au chapeau" rouge)



 que le trompette soit monté ou non

 
car le sujet subit la même dégradation progressive que les autre chasseurs ou lanciers, privés de leur monture à mesure qu'ils sont atteints de blessures non figurées mais en général soulignées par le titre.

Le rapport entre cheval et puissance sexuelle est évident -en soi, voir cette scène de saillie-
Autre scène de "saillie", ce dessin érotique récemment mis sur le marché et inspiré de l'épisode de Suzanne et les vieillard présenterait une des rares figures féminine dessinée par Géricault sans qu'on y reconnaisse à l'évidence des traits par trop masculins:

Les rares représentations de centaures dans les dessins de Géricault sont toujours liées au thème du rapt (enlèvement de Déjanire) et du viol



Dans ce curieux dessins qui, comme un trompe l’œil change de sens selon le sens dans lequel on le regarde, montrant une femme contenue dans une figure féminine lisible dans l'autre sens et peut-être un homme qui l'étreint, humains et têtes de chevaux se confondent:

 
Mais à partir de la période romaine s'instaure une répétition des thèmes du combat entre l'homme et le cheval, autour du thème de La course des chevaux libres qui offrit au peintre plusieurs sujets de tableau (où les hommes se rhabillent au moins partiellement) sans jamais aboutir à une composition finale d'importance.





Dans les nombreuses études on remarquera la présence obsessionnelle dans le coin droit (parfois redoublé à gauche) d'une figure d'homme renversé:


Dans la tradition de Michelange et Raphaël, les études de scènes de combat donnent lieu à des batailles d'hommes nus:





Combat allégorique


 
Les lettres d’Italie contiennent des croquis reproduisant les plus impressionnantes de ces œuvres vues


et que dira-ton de cette curieuse rencontre de Napoléon et des hommes nus dans les rochers?
 
Fortune de la thématique du cavalier désarçonné...




qui rejoint celle de l'homme à terre


Il est étonnant de voir combien ces thèmes, évidemment dans l'air du temps, apparaissent groupés dans le tableau d'Horace Vernet dépeignant son atelier (vers 1820): on y retrouve, les militaires (au premier plan, imités par les peintres qui jouent les escrimeurs), les boxeurs (les modèles appuyés au poèle) et au milieu d'éléments de sellerie qui pendent du mur, en compagnie d'un bicorne, un cheval (et un chien bouledogue). Cet atelier ressemblait-il à celui de Carle Vernet que Géricault fréquenta avant celui de Guérin?



 Des chevaux apparaissent régulièrement dans les esquisses de boxeurs londoniens, témoins de la lutte

 version finale de 1818

Les carnets d'esquisses du Musée de Chicago

Dans la riche collection de dessins de Géricault de l'Art Institute of Chicago consultable en ligne se trouvent des feuillets d'études de 1818-1819 qui montrent que la construction de la célèbre lithographie des boxeurs donna lieu à une série de croquis préparatoires qui mêlent parfois boxe et lutte:



Au combat Géricault préfère finalement le moment plus statique de l'engagement, occasion de présenter des portraits et de renouveler son intérêt pour l'opposition de l'homme noir et de l'homme blanc:




Le même musée détient aussi des feuillets d'un carnet de 1813-1814, présentant une série d'études qui témoignent des divers essais sur le vif de représentation du forgeron pour la célèbre enseigne, puisque l'un des premiers tableaux d'importance de Géricault n'est pas un tableau justement mais un dessin utilitaire sur un assemblage de planches de bois, première représentation avec cheval du thème "ouvrier" qui trouvera son grand développement dans la période londonienne contemporaine des boxeur:

L'enseigne du maître de forge
souvenir de l'antique et d'une forge de Vulcain?
ou gestes d'un métier moderne




On raconte qu'il demeurait à Rouen vis-à-vis de la boutique d'un maréchal ferrant; il y allait le matin et n'en revenait qu'à la nuit. Un jour il lui peignit une enseigne pour sa boutique; un amateur anglais la vit, voulut l'acheter, en offrit 800 fr. L'honnête maréchal refusait; mais il raconta l'aventure au jeune peintre, qui lui dit : « Vends-la donc, je t'en ferai une autre. » (Clément)
Le maréchal ferrant anglais

Ecuyers, acrobates, pêcheurs, ouvriers...

Une énumération qui pour peu anticiperait celle du Mille e tre de Verlaine (Hombres)
Mes amants n'appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,
Leurs quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches
De force assez brutale et de procédés gros.

Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;
Ils ne sentent pas l'ambre et fleurent de santé
Pure et simple ; leur marche un peu lourde, va preste
Pourtant, car jeune, et grave en l'élasticité ;

Leurs yeux francs et matois crépitent de malice
Cordiale et des mots naïvement rusés
Partent non sans un gai juron qui les épice
De leur bouche bien fraîche aux solides baisers...
A Paris, son plus grand bonheur était d'aller voir au Cirque Olympique les exercices équestres. Ces jours-là étaient ses vrais jours de fête. Il fréquentait aussi le Louvre. Ses deux grands hommes, à cette époque, étaient Rubens et Franconi ; mais on peut croire que le célèbre écuyer remportait dans son esprit sur le peintre flamand. (Clément)
Trapéziste et son rétablissement



 exercice de corde


Dans la pratique athlétique les remplaçants romains des écuyers et acrobates, sont les pêcheurs du Tibre:


Ceux qu'on verra au premier plan du Paysage héroïque, dit Le Matin


charpentiers


 fossoyeurs
 
 maçons?
 plâtriers?


Retour à la lutte

Chez Géricault les hommes luttent rarement entre eux. L'inachèvement de certaines ébauches montrent plutôt, quand elles ne sont pas inspirées de l'antique, qu'elles furent exécutées rapidement, sur le vif, le dessin servant d'aide mémoire et constituant rarement (à l'exemple d' Ingres) une fin en soi:

Une feuille d'étude récemment retrouvée confirme l'intérêt porté durant le voyage en Italie pour l'illustration des travaux d'Hercule, avec ces Acheloüs ou Antée.

Les chevaux en revanche luttent entre eux ou contre des lions:






Dans la tradition d'Hercule, les hommes luttent aussi avec d'autres animaux:


 Etudes pour un Hercule et le lion


aboutissant à une évocation du sacrifice rituel dans une technique chère à l'artiste (définissant les clairs par des blancs sur papier huilé)

qui rappelle rien moins dans la profusion de membres et de mufles que Guernica de Picasso.


Les bouchers de Rome

Pour avoir vu ce feuillet d'étude en vrai, il faut souligner qu'il a aujourd'hui viré à une ambiance très sombre qui en renforce les contrastes et lui donne en effet cette facture cubiste et abstraite. Mais si l'on éclaircit l'ensemble, la composition retourne à son côté classique et apparaît plus comme une scène triviale que comme une cérémonie mithraïtique de sacrifice:

Concurremment à la course des chevaux libres, qui hésitait sans cesse entre l'antique et le contemporain, contrairement aux pêcheurs qui finiront dans un détail de paysage italien, les bouchers suscitent un seul tableau achevé, mais le nombre et l'achèvement des études prouve que Géricault (qui en fait copier le bas par Montfort dans les derniers temps) comptait sans doute leur consacrer un tableau d'envergure:

détail du Marché aux boeufs
dessin préparatoire
Comme les conducteurs de chevaux, les bouchers (à cheval) hésitent entre costume et nudité, la cape qui vole au vent jouant son rôle dans l'illusion de mouvement








MAZEPPA
Dans la vision ambivalente de Géricault, le cheval est autant un instrument de puissance que de mortification:
pour s'assouplir et se façonner les membres, selon les règles du Parfait Cavalier, le soir, avant de se coucher, [Géricault adolescent] plaçait entre ses jambes tous ses dictionnaires et ses livres liés ensemble, et même, ces instruments de torture agissant trop faiblement à son gré, il les remplaça par une machine de fer de son invention, qui arquait ses cuisses pendant son sommeil en les martyrisant. (Anonyme Salon de 1841-Magasin pittoresque)
Ce thème morbide culmine dans les différentes versions de Mazeppa que Géricault interrogea longtemps -et uniquement sous l'aspect du supplice et non de la victoire finale) sans parvenir non plus à une version publique autre qu'une lithographie :


 


Instrument occasionnel de supplice, le cheval est témoin des blessures humaines

 comme dans les images de la retraite de Russie, si éloignées des visions héroïques qu'on prête en général à l'auteur. Car les héros anonymes, à l'exemple du lieutenant Dieudonné mort en décembre 1812 dans un ravin de Vilnius quelques mois après que Géricault n'ait mis son portrait équestre au salon

deviennent les corps cassés de la défaite, et les ruines de la France Impériale, un immense hôpital à ciel ouvert.





Les études du Caisson d'artillerie ( e sujet est un suicide patriotique) font alterner, à droite du sujet principal, chevaux et soldats morts.



Dans la gravure de la charrette des blessés, on observe que deux destriers se mordent, redoublant l'idée de la plaie.



On reconnait dans ce dessin le visage du même modèle qui posa sans doute le Cuirassier blessé quittant le feu, le Polonais peut-être, comme paraît le confirmer cette étude des carnets d'esquisse qui prouve que le sujet du Cuirassier (inversé dans le tableau) trouve bien sa source dans une étude de nu, ensuite rhabillé et pourvu d'un cheval

dont l'ombre ou la silhouette de la tête apparait déjà dans le portrait


Dans la vie de Géricault, le cheval, qui s'était peu à peu retiré de ses tableaux, devint la cause indirecte de sa mort, par une suite d'imprudences qui confinent à un désir masochiste et suicidaire:
Dans une course qu'il fit à Montmartre avec M. Horace Vernet, il fut démonté par son cheval et lancé avec force sur une pierre. Il se fit ainsi à l'épine dorsale une blessure extrêmement dangereuse, et qui le tint assez longtemps au lit. Mais il n'était pas homme à attendre patiemment un rétablissement complet. Bien qu'il portât un abcès dans le côté gauche, il part en cabriolet pour Fontainebleau. Arrivé à la cour de France, il met pied à terre: le cheval s'emporte et brise la voiture. Géricault pourtant tenait à finir son voyage. Faire la route à cheval lui semble difficile à cause de son abcès. pour se débarrasser de ce mal, il voulait à toute force l'ouvrir à l'auberge avec une lardoire, et l'on eut toutes les peines du monde pour l'empêcher de se faire lui-même cette brutale opération. sans donc tenir compte de son mal, il fait mettre une couverture sur le dos de son cheval, et il repart ainsi au grand galop pour Fontainebleau (...) Autant Géricault était bon pour ses amis, autant il était dur pour lui-même. On eût dit qu'il prenait plaisir à braver la souffrance. Quelques temps après le voyage dont nous venons de parler, il va voir des courses au Champs-de-Mars. Là il eut une rencontre, et il résulta de l'effort violent qu'il fit pour soutenir son cheval que son abcès fusa dans la cuisse.
(Louis Batissier, Géricault in Revue du 19è siècle ,1842)


L’accident de cheval était déjà cause indirecte de la mort du bien nommé Hippolyte
 copie de jeunesse d'un tableau de Rubens.
Comme on s'en rendra compte ultérieurement, Géricault connaissait aussi sans doute la version de Subleyras, d'une violence prémonitoire: