mercredi, juin 20, 2012

Prix de Rome: de Pallière 1812 à Thomas 1816

Héritier du prix de l'Académie royale, le Prix de Rome est au 19è siècle le conservatoire de la peinture académique: ses archives, souvent très incomplètes nous offrent une pléiade de nus répandus dans la peinture mythologique ou d'histoire. C'est le cas du prix 1812; le sujet Ulysse et Télémaque massacrant les prétendants s'y prêtait mieux que jamais: on lit dans les journaux d'époque
L'extraordinaire rencontre de Louis Vincent Léon Pallière, par ailleurs complètement oublié, et de l'art académique fait que cette toile est probablement son chef d’œuvre alors que le prix n'était en général qu'un passage obligé souvent peu inspiré:
A l'arrière-plan, les têtes d'expression sont particulièrement variées; contrairement aux autres concurrents, Pallière n'a pas hésité à représenter la nudité frontale du personnage principal, sans sortir du sujet en représentant les servantes infidèles ni l'aède épargné:
Les corps des prétendants morts rappellent pourtant la représentation traditionnelle du corps d'Hector trainé par le char d'Achille devant les murailles de Troie. Il y a même un certain humour à couvrir si mal les parties intimes, par le simple ruban d'une ceinture dénouée.

Qu'on le compare aux études de Subleyras-David et Géricault, ou au à l'angle inférieur droit du tableau de Suvée (rejeté du Prix de Rome en 1769)

La présence de Pallière au premier tour des concours de 1808 et 1809 est attestée par la présence de deux torses ou demi-figures, épreuve éliminatoire traditionnelle, alors qu'on n'a pas la trace du Priam réclamant à Achille le corps de son fils lorsqu'il obtint le second prix en 1809 derrière Jérôme-Martin Langlois:




Le Musée des Beaux-Arts de Paris, qui conserve le tableau de Pallière, ne paraît pas posséder le second prix, celui d'Henri-Joseph Forestier, qui obtiendra le 1er Prix l'année suivante pour La mort de Jacob, ex-aecquo avec Picot:
 Si l'on n'a pas le torse de Pallière en 1812, on a celui de Forestier (mais pas celui de 1813)


Son Ulysse massacrant les prétendants devait ressembler à cette esquisse passée en vente chez Sotheby's en 1992. La composition est assez semblable au tableau de Pallière, les personnages sont beaucoup plus habillés, l'aède est là.
D'autres tableaux témoignent de la participation au tour final. Celui-ci, non signé était donné lors d'une vente publique comme anonyme, alors qu'il ne devrait pas être si compliqué de parvenir à retrouver la liste des candidats admis à participer à l'épreuve finale:

L'Ulysse massacrant les prétendants de Thomas Degeorge est lui bien identifié, quoique Degeorge, élève de David ne parvint jamais à obtenir aucun prix au concours de Rome:

On peut penser qu'Antoine Jean-Baptiste Thomas, futur vainqueur en 1816 (année de l'échec de Géricault) parvint jusqu'à la deuxième épreuve si l'attribution de ce dessin représentant Ulysse et les prétendants est bien exacte. Ce n'est toutefois pas l'auteur de notre tableau anonyme, le dessin préparatoire ne pouvant sous peine d'élimination présenter une composition différente de l’œuvre finale:
En 1813,  année de La mort de Jacob, Antoine Thomas décrocha un second prix à égalité avec Vinchon; Degeorge s'arrêta à l'esquisse 
 En 1814, avec le beau sujet de Diagoras porté en triomphe par ses fils c'est Auguste Jean-BaptisteVinchon qui l'emporta


 On peut penser que le tableau de Degeorge était pourtant meilleur
Seule demi-figure répertoriée pour cette année 1814, celle d'Esprit-Aimé Libour qui ne semble pas avoir forcé sa chance une seconde fois, et n'est guère reproduit par ailleurs:
Jean Alaux, dit Le Romain, qui devait travailler à la galerie des Batailles de Versailles sous la monarchie de Juillet, crédité d'un deuxième prix en 1814, avait tenté sa chance dès 1810:

 On lui doit ce motif allégorique du Xanthe (le fleuve Scamandre)


Alaux obtint son premier prix avec Briséis rendue à Achille trouve dans sa tente le corps de Patrocle:
devançant Léon Cogniet
par l'intensité de la touche, un aspect moins figé des poses, l'esquisse était peut-être supérieure au tableau final


Léon Cogniet avait été qualifié en 1815  par ce torse

Cogniet devra attendre 1817 pour décrocher un premier prix avec Hélène délivrée par Castor et Pollux
Il est l'auteur de quelques académies intéressantes qui font les beaux jours des salles de vente:



Ce nu appuyé sur un rocher témoigne de sa fréquentation de l'Atelier de Guérin
comme cet inachevé qui lui a été crédité par Christies et décrit la même séance de pose que le célèbre tableau de Cadamour de Géricault



En 1816, Degeorge tenta sa chance une nouvelle fois, 
 mais c'est Antoine Thomas qui l'emporta

D'Antoine Thomas, le musée de Chambéry possède ce "guerrier mort" 'suicide d'Ajax, Patrocle, Hector?)  qui mériterait un minimum de restauration s'il est toujours dans cet état.

Les deux tableaux célèbres du prix de Rome 1816 ne sont pourtant pas ceux-là, mais des études pour le premier tour de peintres non admis à concourir et qui ne devaient plus se présenter:
Géricault
et vu d'un autre angle Amable Louis Claude Pagnest, mort en 1819 à l'âge de 29 ans
dont la toile eut une célébrité inattendue, servant de sujet au graveur Amédée Geille (lui-même prix de Rome de gravure en 1832)


De Pagnest, le musée de ENSBA possède encore cette académie:

Quant à Palliere, il mena une honnête carrière, mais rien qui confirme l'étrange enthousiasme de ses débuts, et en dépit de la mauvaise qualité des reproductions, ses tableaux demeurés célèbres n'offrent que peu d'ingéniosité de composition:
Berger au repos (Mercure?)
 
 Mercure tuant Argus
 Romulus et Rémus trouvés par un berger
 Christ aux outrages, son meilleur tableau après Ulysse sans doute
 que certains voudraient encore attribuer à Thomas Degeorge (sur la base d'une ressemblance des modèles de la figure principale?) Thomas Degeorge Christ à la colonne






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