mercredi, octobre 25, 2017

I.M. Zelimkhan Bakaev

I.M. Zelimkhan Bakaev
Si seulement tout ceci n'était qu'une fiction!






Dans son bureau de Grosny, en présence d'un Imam  légitimant la conformité à l'islam des nouveaux décrets sur le port du voile et la lapidation des femmes soupçonnées d'adultère, le président Kadirov reçoit le chef de la police, Magomed Dashaev. :
- Il faut détruire le camp d'Argun.
- Nous avons déjà nettoyé les caves de l'orphelinat des sourds.
- Nous allons prouver à la presse étrangères que les échappés mentent, ils ne doivent trouver qu'un camp de ruines où les graffitis écrits avec le sang des prisonniers et les restes humains resteront enfouis sous les gravats.
- Nous avons ouverts quatre nouveaux centres de détentions, mais les sous-hommes sont de plus en plus nombreux à y être confinés. Certaines familles à qui nous les rendons hésitent à laver leur honneur dans le sang. Nous avons besoin de la base d'Argun.
- Je vous ai donné Murad Amirev, votre champion de lutte, j'ai utilisé mes relations pour le faire arrêter dès son passage en Ukraine, pour le faire extrader de Biélorussie ; vous n'avez même pas été capable de lui faire signer le document accusant son frère d'avoir comploté contre vous.. Vos hommes perdent la main ?
- Nous l'avons torturé 83 jours menotté au plafond, battu à coups de barre de fer appliqué les décharges à ses couilles -nous pouvions lui toucher les organes génitaux sans nous salir, il n'était pas homosexuel. Nous avons utilisé les même type d'humiliation, il n'a mangé que ses excréments, nos restes sur lesquels nous avions pissé, on lui a donné des doigts coupés à ronger, les officiers ont joué au foot avec son corps. Après plusieurs simulacres d'exécution, à part lui couper les oreilles, on était à bout de moyens de persuasion, et on ne pouvait pas puisque vous vouliez le retourner pour la propagande.
- Et il fallut finalement organiser ces interview officielles pour qu'il démente tout ce qu'il avait craché aux médias occidentaux. Je pense que vous n'êtes plus l'homme de la situation .
De colère, Ramzan Kadirov bourre de coups de pieds la petite fille qui le suçait sous la table. Il se tourne vers l'Imam et ordonne :
- Amenez-moi la suivante, celle-là n'est plus bonne à rien. Et à Dashaev :Mettez là à la fosse.
L'Imam embarrassé, hésite :
- Et quoi ? Vous nous marierez comme les autres, j'ai bien le droit de me débarrasser de mes femmes. On n'a pas rétabli pour rien la polygamie dans ce pays, bordel ! Faites passer cette note à Karimov.

Alvi Karimov le porte-parole du Guide Suprême, déclare. « La paix est revenue en Tchétchénie, le terrorisme a été éradiqué, les gens mènent à nouveau une vie normale, c'est ça qui dérange les services américains. La moitié des peuples du monde s'étranglent dans le sang à cause de votre prétendue démocratie ; Vos organisations de défense des droits de l'homme sont un sommet de l’hypocrisie. En Tchétchénie, c'est la loi qui règne. Ceux qui la violent répondent devant elle.
- Mais, dit poliment le journaliste canadien, l'homosexualité, entre adultes majeurs n'est pas officiellement un crime dans la Fédération de Russie.
- Tous les rapports à ce sujet ne sont que des mensonges et de la désinformation, pour la bonne raison qu'il n'y a pas d'homosexuels en Tchétchénie. Et s'il y en avait, les autorités n'auraient pas à s'en occuper, parce que leurs familles les enverraient dans un endroit d'où on ne revient pas. Si vous suspectez qu'il y a encore de tels animaux, donnez-leur des passeports. On vous les vendra volontiers !
Tel avait été aussi la première proposition de Goebbels avant le génocide, vendre aux occidentaux les juifs et les dégénérés (il y avait même eu des annonces officielles dans les journaux) mais comme personne ne voulait les acheter, et puisqu'ils ne valaient rien, il avait bien fallu trouver une solution plus expéditive.
Kadirov lui même, interviewé par David Scott sur HBO clama en écho : « Il n'y a pas de gens comme ça ici. Pas de gays. S'il y en a, prenez les au Canada. Si Dieu le veut. Emportez-les loin de nous, qu'il n'en reste plus un seul chez nous. Pour purifier notre sang, s'il en reste, prenez-les : »

Invité au Kremlin pour renouveler son allégeance au pouvoir central qui l'a placé à la tête de l'état, Kadirov pleurniche devant Putin sur ces accusations qui reviennent au moins deux à trois fois par ans et qui salissent la réputation de son merveilleux pays où les hommes sont des hommes, battent leurs femmes et tuent leurs fils déviants, de façon à ce que la honte ne rejaillisse pas sur leurs frères, les empêchant de se marier par peur des mésalliances. Le porte-parole du Tsar de toutes les Russies déclare à la fin de l'entretien officiel que tous les témoignages de violences et étant faits sous couvert d'anonymat, ce ne sont forcément que des tissus de mensonges. Une fois les caméras coupées, il ajoute ; « les morts ne parlent pas, faites un effort pour surmonter votre dégoût et réglez les problèmes en silence !» Kadirov s'incline et répond « Si Dieu le veut : » Il rappelle sa promesse de livrer gratuitement quelques milliers de tonnes de pétrole de plus, des bataillons de vierges pour les politiques influents, même des garçons si on en veut, ça débarrasse.





Zelimkhan Bakaev était déjà une petite star avant même d'avoir atteint l'âge de 20 ans. Profitant de sa popularité naissante, Ramzan Kadirov s'était même fait photographier en sa compagnie, arborant tout de même un sweat-shirt Fight Club pour ne pas trop faire trop homophile. Malgré le succès qui l'avait amené au sommet des charts en Russie, les choses se sont peut à peu gâtées. Un si beau garçon, si sensible,  ne pouvait pas être totalement hétérosexuels. Sur la base de soupçons fondés sur le piratage de son portable et d'autres pistages informatiques, et peut-être aussi parce que son nom revenait dans la bouche des pédés torturés à qui on demandait les noms de leurs congénères, il avait fini par être interdit de scène en Tchétchénie.


Il comptait assister au mariage de sa sœur, le 8 août 2017, muni d'un billet de retour pour le 11. Trois heures après son arrivée à la gare de Grozny, il tomba dans une embuscade, et fut enlevé par un groupe d'homme habillés en militaires. A partir de là ; on ne sait plus rien ; il est à supposer que comme les autres on lui mit un sac sur la tête pour le bourrer de coup de crosses, on le livra à d'autres prisonniers pour le battre à mort affublé d'un nom féminin -les hommes de là-bas préfèrent ne pas se salir directement les mains - moins qu'ils ne l'aient selon leur coutume achevé à l’électricité car il survécut dix heures aux bons soins de ses tortionnaires. Il avait 26 ans.

Kadirov, chien de l'enfer, porc infâme souillé de ta propre merde, faire des martyrs n'est jamais à sens unique. Au lieu de mourir pour rien sous la torture, il se lèvera un jour un pédé oublié -car, contre toute attente, ils se reproduisent – un insoupçonnable ami russe, un militaire humilié, un garde du corps qui tapissera les murs de ton palais de ta cervelle. Il suffit d'une balle. Si Dieu le veut ! Souviens-toi de Kannegiser et Uritsky. Il suffit d'un peu de sang contaminé, et tu vas en recevoir des litres qui finiront bien par t'exploser dans les yeux.






J'aurais dû tenter de raconter l'histoire du point de vue de la victime ; mais je n'ai pas pu. Je ne pouvais adopter que le point de vue des rouages et des mécanismes mentaux qui l'ont écrasé, parce que je les connais, je peux en imiter la sauvagerie. Lui, a-t-il seulement compris qu'ils allaient l'exécuter, et quand ? Son corps a compris, vite je l'espère.Eux ne sont que le reflet du quotidien, d'une expérience qui va se poursuivre et s'étendre si nous ne nous levons pas contre elle, si nous n'utilisons pas contre eux le poison qu'autrefois ils ont introduit en nous. Ici, dans l'occident paisiblement fasciste des lois laïques (jusqu'à quand?) nous nous croyons tranquilles, comme il l'aura cru avant que les services effacent ses traces et fabrique des faux comme à la plus grande époque des totalitarismes.

Nous nous leurrons, nous sommes les prochains : à moins d'avoir leur peau, mais le temps est compté.




2 commentaires:

André a dit…

C'est terrible. Je compatis à la douleur de sa mère et de ses camarades d'autant plus que j'ai perdu mon compagnon dans des circonstances presque identiques lorsqu'il a été tabassé dans un autre pays musulman, il y a 32 ans.

Fred. A a dit…

Merci de ton témoignage. Ce que j'ai fait est sans doute très maladroit, mais je ne trouvais pas de moyen "raisonnable" de parler de la barbarie, et de l'impuissance à rien faire contre. Depuis que j'ai pris conscience que le génocide en cours avait son visage, je ne cesse d'y penser, je n'arrive plus à écrire puisque ça ne sert à rien. Je ne savais pas pour ta propre douleur; ces plaies-là ne peuvent se refermer puisqu'il n'y a pas de justice.