Le nom de Gustave Courtois (1853-1923) n'évoque plus grand chose même aux spécialistes de la peinture académique, hormis peut-être aux habitants de Vesoul, où à la suite de Gerôme, son maître, il faillit faire école. Cette étude de jeunesse, par son aspect illustratif nous renseigne déjà sur l'orientation de ses goûts:
Son passage par les Beaux-Arts ne lui apporta que deux échecs au Prix de Rome, quoiqu'il parvînt deux fois à l'étape finale, en 1877 avec la Prise de Rome par les Gaulois
en 1878, avec Auguste au tombeau d'Alexandre
La même année vit aussi l'échec de Pascal Dagnan-Bouveret (originellement dans la classe de Cabanel avant de passer chez Gérôme) qui s'était placé deuxième en 1876, avec un Priam aux pieds d'Achille, dont l'ambassade France à Madrid qui semble le détenir serait bien inspirée de nous fournir une meilleure copie:
Cela viendra peut-être puisqu'il y a quelques années encore, on ne
trouvait pratiquement aucun tableau entier de Courtois, dans des
reproductions en couleur!
Probablement, la version de Dagnan du Tombeau d'Alexandre
Toute leur vie durant, Courtois et Dagnan-Bouveret partagèrent un atelier à Neuilly. Si contrairement à son ami, Dagnan finit par se marier (après la mort de Jules Bastien-Lepage)
Jules Bastien-Lepage, étude pour Orphée
mais il choisit pour femme la cousine de Courtois, ce qui lui permit de s'installer en Franche-Comtée, non loin de son ami.
Courtois et Dagnan en 1888
Dans l'ouvrage de Gabriel Weisberg sur Dagnan-Bouveret, une note rapelle:
Il y a bien un sous-texte homosexuel qui colore la relation entre Dagnan-Bouveret et Courtois. Les lettres du premier au second suggèrent cette tendance, même si leur teneur émotionnellement chargée ne sont peut-être que l'expression de la nature exaltée et souvent anxieuse de Dagnan-Bouveret. S'ils étaient plus que de simples amis, il apparaît qu'il a choisi un autre chemin que Courtois dont l'homosexualité était de notoriété publique. En atteste la relation continue entre Courtois et le peintre Karl von Stetten ce que [me] confirma Jean-Jacques Fernier... dans les années 1990. A l'époque Fernier me raconta que les aspects de l'imagerie homosexuelle de certains tableaux de Courtois avaient été volontairement mutilés par leurs précédents possesseurs afin de dissimuler cet aspect de la vie du peintre.
C'est ce qui arriva au Dionysos Endormi de 1906, (offert au musée de Pontarlier par les ayants-droits du peintre -nul autre que Dagnan lui-même sans doute puisqu'il fut l'exécuteur testamentaire de Courtois) qui dut attendre jusqu'en 2009 sa restauration, un "incendie volontaire" ayant détruit le sexe du personnage principal:
C'est aussi ce qui explique, au-delà de l'aspect suranné et un peu kitsch de la peinture de Courtois qu'il n'eut sans doute pas la célébrité qu'il aurait pu attendre, au contraire d'un Dagnan qui se vit offrir une salle entière dédiée lors de l'exposition universelle de 1896, et que le même versa sur la fin dans la peinture "bretonne" qui lui conserva une réputation durable. Mais ces deux éléments ne sont-ils pas la garantie même d'une renaissance tardive de son oeuvre, auprès de certains amateurs?
Courtois Narcisse
Courtois Le banquet
Le premier des deux Saint-Sébastien
Les œuvres de jeunesse de Dagnan, révèlent au moins une certaine aptitude à représenter l'homme, même s'il est accompagné et masqué... Qu'on compare le dessin préparatoire d'Atalante victorieuse au tableau achevé pour s'en convaincre...
qu'on admire ce curieux nu dont le point focal qui se dérobe reste la poche contenant le sexe
les études de têtes d'apôtres
son propre autoportrait
la pose très ouverte de cet Hernani qui lui ressemble comme un frère
les musiciens du Petit concert
répondant à la statue de dos: se croirait pas dans le décors japonisant de l'hôtel d'Odette de Crécy, avec Morel au violon?
Et encore les visages des tardifs Conscrits
le fameux et extraordinaire portrait de M. de la Rochetaillée qui semble un hercule de Rubens
et paraît le jeune frère de Courtois lui-même (à mon cher ami est noté en bas à gauche)
Contrairement à son ami, Courtois ne semble jamais avoir pris Dagnan-Bouveret pour modèle, à moins qu'il n'ait posé ce portrait de jeunesse
ou la tête de l'étrange Orphée sur le rivage
ou l'Oedipe assassinant son père (Dagnan, orphelin avait été élevé par son grand père Bouveret)
ou l'une des têtes tranchées du Martyre de Saint-Maurice de l'église de Vesoul
Lui, ou von Stetten, que toute le monde veut reconnaître dans la figure éponyme du tableau:
Qui était Carl von Stetten (1857-1942)?Né à Augsburg, Carl Ernst von Stretten, a fait des études de peinture à Munich avant d'entrer dans l'atelier de Gérôme. De sa propre peinture on ne sait pas grand chose sinon qu'au milieu de beaucoup de tableaux de genre (la leçon de tricot, marchande de fleurs sur les grands boulevards) se trouvent un Jeune sculpteur et son frère en face de l'ancien Trocadéro
et, datant de 1889 -époque où la mode n'en est pas encore revenue-, un Match de lutte à l'Elysée-Montmartre
Son physique nous est plus familier que son art, car pendant plus de trente ans, Courtois en fera le principal modèle de ses tableaux, et particulièrement de ses peintures religieuses. C'est d'abord la figure de l'artiste romantique, imitant le portrait d'atelier de Géricault
On reconnaît très bien dans le délicat Jeune homme au lézard
celui qui deviendra l'Adam de l'idyllique Paradis terrestre
et le Saint-Sébastien percé d'une seul flèche, si éloigné dans sa représentation des corps athlétiques de la peinture académique, autre élément qui pourrait témoigner d'un engouement renouvelé pour la peinture de Courtois.
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