Giovanni Battista (Gianbattista) Langetti est né à Gênes aux alentours de 1625 et meurt à Venise en 1676, ville où il a fait toute sa carrière, après que la peste l'ait fait fuir Naples. On le donne comme le dernier représentant du courant tenebroso. Les 132 tableaux répertoriés de son catalogue représentent tous des figures humaines, de l'histoire romaine, de la mythologie ou de la Bible (ci-dessus, une variation en "torse" du thème de Marsyas).
A en croire les catalogues de ventes aux enchères, une unique nature morte attribuée à Langetti échapperait à sa thématique habituelle:
On pense parfois qu'il aurait subi l'influence de Ribera, par la cruauté réaliste, mais personne n'a pu établir qu'ils se soient rencontrés ni qu'il ait vu ses oeuvres. D'ailleurs, à bien y regarder l'art de Langetti est à l'exact opposé de celui du Spagnoletto dont les personnages, certes souffrants, sont tous étiques, souvent étirés comme ceux du Greco, et baignés de tons froids qui portent au détachement. La personnalité de Langetti paraît très marquée par un sous-entendu qui met en jeu la libido et le pousse plus du côté de Michelange ou du Caravage: ses personnages sont à peu près uniformément herculéens, ses modèles sont tous des hommes mûrs, et surtout ils sont marqués par la douleur, dans des poses qui, même au repos ou lorsqu'ils sont désignés comme victorieux, évoquent invariablement l'acceptation du supplice, alors qu'il n'y a aucun bourreau en vue, sauf en cette unique occurrence, où l'ordonnateur, richement vêtu, détourne le regard:
L'attrait pour l'expression de la douleur consentie, voire désirée se manifeste par les nombreuses représentations du suicide de Caton d'Utique (Caton le jeune) qui permet à Langetti de figurer non le plus souvent le poignard, mais plutôt le personnage rouvrant la plaie en y plongeant les doigts -une métaphore de la pénétration, ou de l'analyse poussée à son paroxysme:
On conserve la troublante impression que le même modèle posa ce Samson, autre sujet favori de Langetti (voir plus bas) mais aussi cet autre "Caton"
Quand il eut terminé le dialogue de Platon, comprenant que ceux qui se tenaient à sa porte étaient endormis, il se frappa au-dessous du sternum : ses entrailles tombèrent et il laissa entendre quelque gémissement qui fit accourir ceux qui se tenaient à sa porte ; les médecins remirent en place les entrailles, qui étaient intactes, cousirent la blessure et la bandèrent. Quand il eut repris connaissance, il se remit à jouer son rôle : il se reprochait, en son for intérieur, la faiblesse de sa blessure, mais exprimait sa gratitude à ceux qui l'avaient sauvé et déclarant qu'il n'avait besoin que de dormir. On s'en alla donc en emportant le poignard et, comme il semblait calmé, on ferma les portes. Lui, après leur avoir fait croire qu'il dormait, déchira de ses mains en silence les bandages, défit les sutures de sa blessure, puis, comme une bête sauvage, élargit l'ouverture de son ventre avec ses ongles, y plongea ses doigts et en arracha les entrailles jusqu'à ce qu'il mourût, âgé d'environ cinquante ans, reconnu pour l'homme le plus fermement attaché à sa conviction une fois qu'il avait tranché, et définissant ce qui était juste, convenable ou bien, non d'après l'usage, mais d'après des considérations de haute morale.
Histoire des guerres civiles de la République romaine, traduite du texte grec d'Appien d'Alexandrie par J.-J. Combes-Dounous.
Ce modèle de Caton, beaucoup plus âgé, servira à représenter les différents Diogènes, Archimèdes, St Joseph
Autre sujet fréquent chez Langetti, qui permet à mettre en scène la blessure, cette fois-ci, la tentative de la soigner et non de la rouvrir, le Bon Samaritain
Personnage blessé, quoique dans sa destinée, plus que dans le moment, Samson est représenté à plusieurs reprises par Langetti:
Samson victorieux
"Samson trouva la mâchoire d'un âne récemment tué, il la ramassa et s'en servit pour massacrer mille hommes. 16 Puis il s'écria : « Avec une mâchoire d'âne, j'ai tué mille hommes, avec une mâchoire d'âne, j'ai entassé des cadavres . » 17 Après quoi il jeta la mâchoire au loin ; c'est pourquoi on appela l'endroit Ramath-Léhi, ce qui signifie «colline de la Mâchoire». 18 Samson eut soudain très soif, il appela le Seigneur au secours et lui dit : « O Dieu, c'est toi qui m'as accordé cette grande victoire. Est-ce que maintenant je vais mourir de soif et tomber entre les mains des incirconcis ? » 19 Dieu fendit le rocher creux qui se trouve à Léhi et il en sortit de l'eau. Samson put boire et retrouva ainsi ses forces. On donna à cette source le nom de «source de Coré», c'est-à-dire «source de celui qui appelle". De la traduction approximative (Lehki signifie aussi mâchoire en hébreux) est née la tradition que Dieu fit naître la source miraculeuse de la mâchoire de l'âne
Tantale, Ixion, Prométhée, tous montrés dans le moment de leur supplice, le plus souvent bouche ouverte:
Nessus, le centaure (donné parfois fautivement comme Hercule lui-même), par son dos convulsé, suggère qu'on le présente au moment où le héros le frappe de sa flèche
Saint-Sébastien
Marsyas et Apollon, Argus et Mercure
Mercure apportant à Zeus les foudres
Tous souffrent mais ils sont rarement morts, comme ce Cacus tué par Hercule volant les bœufs de Géryon (compression des thèmes mythiques latins et grecs)
Ce Darius
qui semble une copie mutilée de l'Abel et Caïn
au point qu'on doute que ces tableaux trop composés soient de la main du maître.
On s'étonne que Langetti, qui produisit peu de tableaux religieux soit passé à côté du sujet de la flagellation...
Sa crucifixion (Marie-madeleine au pied de la croix) fait à nouveau place à l'élément récurrent de sa représentation: la blessure.
A en croire les catalogues de ventes aux enchères, une unique nature morte attribuée à Langetti échapperait à sa thématique habituelle:
On pense parfois qu'il aurait subi l'influence de Ribera, par la cruauté réaliste, mais personne n'a pu établir qu'ils se soient rencontrés ni qu'il ait vu ses oeuvres. D'ailleurs, à bien y regarder l'art de Langetti est à l'exact opposé de celui du Spagnoletto dont les personnages, certes souffrants, sont tous étiques, souvent étirés comme ceux du Greco, et baignés de tons froids qui portent au détachement. La personnalité de Langetti paraît très marquée par un sous-entendu qui met en jeu la libido et le pousse plus du côté de Michelange ou du Caravage: ses personnages sont à peu près uniformément herculéens, ses modèles sont tous des hommes mûrs, et surtout ils sont marqués par la douleur, dans des poses qui, même au repos ou lorsqu'ils sont désignés comme victorieux, évoquent invariablement l'acceptation du supplice, alors qu'il n'y a aucun bourreau en vue, sauf en cette unique occurrence, où l'ordonnateur, richement vêtu, détourne le regard:
L'attrait pour l'expression de la douleur consentie, voire désirée se manifeste par les nombreuses représentations du suicide de Caton d'Utique (Caton le jeune) qui permet à Langetti de figurer non le plus souvent le poignard, mais plutôt le personnage rouvrant la plaie en y plongeant les doigts -une métaphore de la pénétration, ou de l'analyse poussée à son paroxysme:
On conserve la troublante impression que le même modèle posa ce Samson, autre sujet favori de Langetti (voir plus bas) mais aussi cet autre "Caton"
Quand il eut terminé le dialogue de Platon, comprenant que ceux qui se tenaient à sa porte étaient endormis, il se frappa au-dessous du sternum : ses entrailles tombèrent et il laissa entendre quelque gémissement qui fit accourir ceux qui se tenaient à sa porte ; les médecins remirent en place les entrailles, qui étaient intactes, cousirent la blessure et la bandèrent. Quand il eut repris connaissance, il se remit à jouer son rôle : il se reprochait, en son for intérieur, la faiblesse de sa blessure, mais exprimait sa gratitude à ceux qui l'avaient sauvé et déclarant qu'il n'avait besoin que de dormir. On s'en alla donc en emportant le poignard et, comme il semblait calmé, on ferma les portes. Lui, après leur avoir fait croire qu'il dormait, déchira de ses mains en silence les bandages, défit les sutures de sa blessure, puis, comme une bête sauvage, élargit l'ouverture de son ventre avec ses ongles, y plongea ses doigts et en arracha les entrailles jusqu'à ce qu'il mourût, âgé d'environ cinquante ans, reconnu pour l'homme le plus fermement attaché à sa conviction une fois qu'il avait tranché, et définissant ce qui était juste, convenable ou bien, non d'après l'usage, mais d'après des considérations de haute morale.
Histoire des guerres civiles de la République romaine, traduite du texte grec d'Appien d'Alexandrie par J.-J. Combes-Dounous.
Ce modèle de Caton, beaucoup plus âgé, servira à représenter les différents Diogènes, Archimèdes, St Joseph
Autre sujet fréquent chez Langetti, qui permet à mettre en scène la blessure, cette fois-ci, la tentative de la soigner et non de la rouvrir, le Bon Samaritain
Personnage blessé, quoique dans sa destinée, plus que dans le moment, Samson est représenté à plusieurs reprises par Langetti:
Samson victorieux
"Samson trouva la mâchoire d'un âne récemment tué, il la ramassa et s'en servit pour massacrer mille hommes. 16 Puis il s'écria : « Avec une mâchoire d'âne, j'ai tué mille hommes, avec une mâchoire d'âne, j'ai entassé des cadavres . » 17 Après quoi il jeta la mâchoire au loin ; c'est pourquoi on appela l'endroit Ramath-Léhi, ce qui signifie «colline de la Mâchoire». 18 Samson eut soudain très soif, il appela le Seigneur au secours et lui dit : « O Dieu, c'est toi qui m'as accordé cette grande victoire. Est-ce que maintenant je vais mourir de soif et tomber entre les mains des incirconcis ? » 19 Dieu fendit le rocher creux qui se trouve à Léhi et il en sortit de l'eau. Samson put boire et retrouva ainsi ses forces. On donna à cette source le nom de «source de Coré», c'est-à-dire «source de celui qui appelle". De la traduction approximative (Lehki signifie aussi mâchoire en hébreux) est née la tradition que Dieu fit naître la source miraculeuse de la mâchoire de l'âne
Tantale, Ixion, Prométhée, tous montrés dans le moment de leur supplice, le plus souvent bouche ouverte:
Nessus, le centaure (donné parfois fautivement comme Hercule lui-même), par son dos convulsé, suggère qu'on le présente au moment où le héros le frappe de sa flèche
Saint-Sébastien
Marsyas et Apollon, Argus et Mercure
Mercure apportant à Zeus les foudres
Tous souffrent mais ils sont rarement morts, comme ce Cacus tué par Hercule volant les bœufs de Géryon (compression des thèmes mythiques latins et grecs)
Ce Darius
qui semble une copie mutilée de l'Abel et Caïn
au point qu'on doute que ces tableaux trop composés soient de la main du maître.
On s'étonne que Langetti, qui produisit peu de tableaux religieux soit passé à côté du sujet de la flagellation...
Sa crucifixion (Marie-madeleine au pied de la croix) fait à nouveau place à l'élément récurrent de sa représentation: la blessure.