Jeter un regard sur les élèves de Vien, c'est-à-dire sur les compagnons d'étude de David, nous amène à sortir de la période considérée et à replonger dans le 18è siècle, parfois loin, même si la révolution propulse subitement la France dans le 19è siècle. On tentera de se limiter au champs de l'académie masculine.
Pierre Cacault (1744-1810)
Frère cadet du diplomate, Pierre Cacault surveilla la construction du musée-école de Clisson destiné à abriter les collections réunies par son frère en Italie. Il tenta en vain de les faire acheter par l'Etat, avant que la ville de Nantes en fasse l'acquisition. De son travail de peintre la postérité a surtout retenu cette académie:
et ce dessin
La fille de Dibutade dessinant le profil de son amant (origine mythologique de l'art du dessin, sujet très en vogue à la fin du 18è s)
Jean-François Pierre Peyron (1744-1814)
bénéficia d'un renom précoce, l'ayant emporté sur David en 1773 au Prix de Rome, avec une Mort de Sénèque disparue. Il fut considéré comme le chef de file de la nouvelle école néo-classique jusqu'à ce qu'il se révélât incapable de présenter une toile achevée lors du concours de 1787 qui devait l'opposer à David sur le thème de la mort de Socrate. Les différentes versions qu'il en présenta par la suite n'égalent pas le dessin du projet:
Après ses obsèques David dira: "Il m'a ouvert les yeux".
Jean-Pierre Saint-Ours (1752-1809)
obtint aussi le prix de Rome, -l'atelier de Vien semble avoir l'exclusivité des lauréats en cette fin du 18è- mais dut faire le séjour à ses frais, l'académie s'étant tardivement rendu compte qu'il était suisse. Il rentra dans son pays en 1792 par suite des troubles révolutionnaires:
étude de guerriers
la guerre et l'impiété écrasant le vieillard et l'enfant
Saint-Ours Les jeux olympiques (détails)
Joseph Benoît Suvée (1743-1807)
natif de Bruges (il mourra à Rome) vint en France à l'âge de 19 ans, alors qu'il avait atteint déjà une certaine célébrité dans son pays d'origine. David le poursuivit d'une haine tenace. C'est sans doute par suite de ses études recommencées que les institutions françaises conservent un grand nombre de ses dessins d'étude:
Nommé directeur de l'académie de France à Rome en remplacement de Ménageot, il ne put prendre son poste qu'en 1801, après avoir passé quelques années dans les prisons révolutionnaire: c'est là qu'il traça le portrait de son co-détenu , le poète André Chénier (guillotiné en 1795)
Suvée
Milon de Cretone
Jean-Baptiste Régnault (1754-1829)
était peut-être le plus doué des élèves de Vien.
Prix de Rome avec Alexandre et Diogène
Peintre d'histoire dans la grande tradition académique,
Socrate arrachant Alcibiade aux plaisirs sensuels
Régnault traita de nombreux sujets mythologiques;
Le jugement de Pâris
Ariane et Thésée
Amour et Hymen buvant dans la coupe de l'Amitié
Dibutade ou l'Invention de la peinture
Son tableau de réception à l'Académie est resté célèbre: L'éducation d'Achille
Mais Régnault se passionna aussi pour la révolution ( son influence sur son élève Hacques Réattu est ici très nette)
Le génie de la France entre la liberté et la mort
L'homme moral, physique et intellectuel
Regnault fut lui-même le professeur de Pierre-Narcisse Guérin, Blondel, Henriette Lorimier, Godfefroy Engelmann comme de Jean Hilaire Belloc
Belloc
Mort de Gaul ami d'Ossian
ou de Jean-Louis César Lair (1781-1828), connu pour
La torture de Prométhée
Regnault inspira également Court et Girodet: Regnault
Le déluge
Jacques Gamelin (1738-1803)
Une place particulière doit être réservée à ce peintre hors-norme qui n'eut jamais la renommée qu'il méritait. Issu de l'académisme le plus figé,
Alexandre et Diogène
Gamelin sembla trouver sa voix dans les scènes de bataille, antiques ou modernes:
Bataille de Constantin
Choc de cavalerie
Il s'intéressa aussi aux sujets religieux, et quoiqu'il fût à la tête de la société des Sans-culotte de Montpellier, sauva de nombreux tableaux religieux pendant la révolution:
Mais le grand oeuvre de Gamelin est son Nouveau recueil d'ostéologie et de myologie dessiné d'après nature, auquel il travailla une vingtaine d'années, et qui fut gravé par Lavallée. L'ouvrage est le premier à se situer aux confins de la médecine et de l'art, faisant de la représentation de l'écorché un sujet à part entière. Trop artistique pour les scientifiques et trop médical pour les peintre l'ouvrage n'eut pas le succès escompté:
Frontispice de la 2ème partie:
académies classiques
écorchés
quelques autres exemples contemporains de Gamelin:
Bernard Gaillot
Suvée
Jean-Joseph Taillasson (1745-1809)
Taillasson fut célèbre de son vivant:
contrairement à la plupart de ses condisciples il échoua trois fois au
prix de Rome après quoi il s'offrit à titre privé le séjour romain.
les sujets de Taillasson sont essentiellement tirés de la mythologie ou de la littérature antique
Judith
Patrocle
Le tombeau d'Elysée
Héro et Léandre
Ulysse et Neptoleme arrachant à Philoctete les flêches d'Hercule
Trois élèves de Girodet
Pierre-Claude François Delorme (1783-1859)
resta fidèle à l'idéal néoclassique tout au long de sa carrière. Il est l'auteur d'une version célèbre des Reproches d'Hector
On citera encore Céphale et Procris
Les limbes
Joseph Ferdinand Lancrenon (1794-1874)
On ne sait pas grand-chose de Lancrenon, sinon qu'il naquit à Lodz, près de la frontière suisse. Réputé pour ses études de drapé, il fut oublié par la postérité selon la prédiction de son maître Girodet.
Académies
Le musée Girodet de Montagis a fait l'acquisition de cette étude (1810?), représentant
Orphée devant Pluton.
autre sujet académique traditionnel, Le songe d'Enée
Divers dessins témoignent de la participation de Lancrenon à l'épreuve finale du prix de Rome qu'il n'emportera jamais
Etude pour Ulysse massacrant les prétendants (sujet de 1812, vainqueur Pallière)
Le Metropolitan possède dans ses collections une série concernant l'Enlèvement d'Hélène par Castor et Pollux (sujet de 1817, vainqueur Léon Cogniet). Le tableau définitif ne figure dans aucune collection publique:
Le seul tableau souvent référencé de Lancrenon reste l'enlèvement d'Oréthéia par Borée (1822)
Alexandre-Marie Colin (1798-1875)
lointainement parent de Drouais et Greuze, Colin est plus connu pour le portrait de jeune homme qui le représente, tantôt attribué à Géricault, et plus rarement à Delacroix, dont il fut un intime à partir du moment où il quitta l'atelier de Girodet pour entrer chez Guérin
Colin, L'atelier de Girodet en 1817
Sur ce dessin apparaît sans doute le visage de Dejuinne, passé à la postérité pour son hommage posthume, Girodet peignant Galathée
Dejuinne
Girodet peignant Pygmalion et Galathée en présence de Sommariva
De Colin lui-même, portraitiste fameux sous l'empire, peu de tableaux retiennent l'attention, hormis quelques illustrations de Shakespeare. Comme Géricault il s'intéressera marginalement aux sujets exotiques:
Colin
Guerrier noir dévoré par un lion
Station d'un chemin de croix